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Eugène Sue : Le Juif errant (19/03/2013)

eugène sue, Marie-Joseph Sue dit Eugène Sue (Paris 1804 - Annecy 1857) dandy, voyageur, il hérite à 26 ans de la fortune paternelle, devient l’amant des plus belles femmes de Paris (il est surnommé le « Beau Sue » !!), adhère au très snob Jockey Club dès sa création en 1834. Après avoir dilapidé la fortune de son père en sept ans, il commence à écrire lorsqu’il est ruiné. Devenu écrivain, il est principalement connu pour deux de ses romans-feuilletons à caractère social, Les Mystères de Paris (1842-1843) et Le Juif errant (1844-1845). En 1839 il est décoré de la Légion d'honneur pour son Histoire de la Marine.

Tout le monde pense connaître son roman Le Juif errant, mais qui de nos jours l’a lu réellement ? Moi-même, ce n’est qu’aujourd’hui que je me suis lancé dans cette lecture et « lancé » n’est pas une simple formule, puisque le roman est un énorme pavé d’un millier de pages ! 

Sous Louis XIV, le marquis Marius de Rennepont, a abjuré le calvinisme, à l’époque de la révocation de l’édit de Nantes. Les Jésuites, pas convaincus de sa sincérité l’ont dénoncé et obtenu d’entrer en possession de ses biens. Le marquis de Rennepont a néanmoins réussi à leur soustraire et à en confier la garde à une famille juive, qui se succède de père en fils. Par un testament, capital et intérêts devaient s’accumuler jusqu’au 13 février 1832, date à laquelle la somme devenue énorme après deux siècles, serait remise à ses héritiers, à condition qu’ils se présentent personnellement ce jour-là.

En 1832, les héritiers Rennepont sont au nombre de sept mais les Jésuites sont toujours sur leurs traces, à l’affût pour récupérer le magot et ils ont un plan articulé en deux parties. Des sept héritiers, l’un, Gabriel Rennepont, le missionnaire, est en Amérique, et quand il est entré dans la Compagnie de Jésus les Jésuites lui ont fait faire une donation générale et spéciale de ses biens présents et à venir. C’est donc par lui qu’ils comptent rafler la mise, mais parallèlement ils s’activent par tous les moyens en leur possession, pour empêcher les autres héritiers de rejoindre Paris à la date fatidique d’ouverture du testament. Contre eux se dresse le Juif errant car il a une sœur qui a laissé pour descendant un Rennepont et il se doit de défendre les membres survivants de cette famille.

Le jour fatal, les Jésuites entrent en possession du trésor mais un coup de théâtre reporte l’ouverture du testament de trois mois. Rodin, le Jésuite machiavélique qui tire les ficelles du complot, tend aux héritiers divers traquenards qui les mèneront à leur mort, mais alors qu’il vient d’être nommé général des Jésuites, c’est à son tour de mourir, empoisonné par un rival. Seul Gabriel a survécu, mais le trésor finira détruit par son gardien tandis que Gabriel sera mis au ban de l’Église.

Petites précisions quant au titre, le Juif errant n’est pas le sujet central du roman, il n’apparaît que ponctuellement à de très rares occasions (avec sa sœur Hérodiade), plus symbole que personnage actif, représentant d’une puissance s’efforçant d’être l’ange gardien des héritiers, qui sont en outre ses derniers descendants. Enfin, selon la légende, le Juif errant était un pauvre cordonnier de Jérusalem qui refusa au Christ portant la croix, de s’arrêter un instant devant sa porte pour se reposer, le chassant d’un « Marche ! Marche ! ». Ce à quoi le Christ lui répondit, « C’est toi qui marchera jusqu’à la fin des siècles ! ».

D’abord publié en feuilleton dans Le Constitutionnel du 25 juin 1844 au 26 août 1845 puis en volume de 1844 à 1845 chez Paulin à Paris, ce sera un des plus grands succès de librairie du XIXe siècle. Pour le lecteur moderne, le roman n’est pas sans embûches car il souffre de sa longueur conséquence induite du fait qu’il ait été publié en feuilleton dans un premier temps. Ca tire à la ligne. On n’a plus l’habitude de lire des textes qui s’étirent autant, ponctués de digressions à n’en plus finir, de rebondissements les plus improbables, de scènes théâtrales et grandiloquentes, de suspenses outrancés servant une intrigue particulièrement complexe et riche en personnages.

Par contre on s’amuse de ces « trucs » de feuilletonistes, comme ces fins de chapitres laissant le lecteur en haleine sur une phrase angoissante, « Un instant, la foule, effrayée vit, de la cour, les bras roidis de la sœur Marthe et des orphelines cramponnés à la porte et la retenant de tout leur pouvoir. » Ou bien encore quand l’écrivain s’adresse directement au lecteur, « expliquons l’existence de ce manuscrit avant de l’ouvrir au lecteur », le mettant dans la confidence pour mieux l’intéresser à l’intrigue. 

L’exotisme ne manque pas non plus et dans le contexte de l’époque, il n’en a que plus de poids. La Sibérie, les Indes, la secte des Etrangleurs, les animaux sauvages, les narcotiques inconnus de nos médecins occidentaux… tout cela ajoute de la couleur et du piment à cette intrigue qui n’en manque pourtant pas, au point qu’un acteur remarque « … au milieu de tant de soucis, de trames si noires et si diaboliques, la mémoire se perd, la tête s’égare… » ce qui a le mérite de confirmer le lecteur sur ses propres impressions.

Un excellent roman néanmoins pour celui qui est prêt à faire abstraction de toutes ces contraintes liées à l’époque où il fut écrit.   

A la fin de son ouvrage, dans une courte conclusion, Eugène Sue affirme et résume la thématique de son roman, répondant aux critiques reçues durant la publication du feuilleton, « une belle et bonne comédie de mœurs cléricales » contre l’esprit des textes jésuitiques ainsi qu’une prise de conscience de l’opinion face à la misère du peuple chaque jour « aggravée par l’anarchie et l’industrie » qui n’assurent pas un travail et un salaire suffisant aux honnêtes gens. Un texte intemporel finalement.

 

 

« Baisser la tête, se jeter à genoux et en même temps lui plonger à deux reprises son poignard dans le ventre avec la rapidité de l’éclair, ce fut ainsi que Djalma échappa à une mort certaine ; la panthère rugit en retombant de tout son poids sur le prince… Pendant une seconde que dura sa terrible agonie, on ne vit qu’une masse confuse et convulsive de membres noirs, de vêtements blancs ensanglantés… puis enfin Djalma se releva pâle, sanglant, blessé ; alors, debout, l’œil étincelant d’un orgueil sauvage, le pied sur le cadavre de la panthère… tenant à la main le bouquet d’Adrienne, il jeta sur elle un regard qui disait son amour insensé. Alors seulement aussi Adrienne sentit ses forces l’abandonner, car un courage surhumain lui avait donné la puissance d’assister aux effroyables péripéties de cette lutte. »

 

eugène sue, Eugène Sue  Le Juif errant  Collection Bouquins chez Robert Laffont

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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