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Osamu Dazai : Cent Vues du mont Fuji (11/11/2013)

dazaï osamu, Osamu Dazai (1909–1948) dont le vrai nom est Shuji Tsushima est l'un des écrivains japonais les plus célèbres du XXe siècle, où il fait l’objet d’un véritable culte. Cent Vues du mont Fuji est paru en 1993.

L’ouvrage est un recueil de dix-huit nouvelles largement autobiographiques où l’écrivain se livre sans complexes. Il faut admettre qu’il a matière à écrire car si sa vie fut courte, elle fut aussi riche en expériences éprouvantes. Très jeune attiré par l’écriture, le suicide de son écrivain préféré Akutagawa Ryūnosuke en 1927, changera son destin. Il délaisse alors ses études et s’enfonce lentement dans une vie dissolue tout en tentant d’écrire et se faire publier. Fils de bonne famille, l’un de ses frères entrera à la Diète (parlement japonais) durant quelques mois, il est rejeté et ne survivra que grâce à la modeste somme qui lui est versée chaque mois. Communiste, alors que ce parti est clandestin au Japon, il est souvent arrêté par la police, amateur de femmes, il se mariera plusieurs fois et aura plusieurs enfants, il boit beaucoup, se drogue un peu. Sorte de dandy nippon, son caractère dépressif le poussera au suicide à de nombreuses reprises sans suites tragiques, jusqu’à ce 13 juin 1948 où il se noie avec sa dernière compagne dans un canal. 

Ce sont ces éléments de vie qui nourrissent l’inspiration de Dazai, mais s’il part de faits réels et vécus, il sait faire œuvre d’écrivain en leur ajoutant sa touche ou disons plutôt, en les transposant pour en faire de la littérature. On découvrira ses années de jeunesse dans Mes frères, sa profonde détresse dans Paysage doré ou encore le Tokyo d’après-guerre dans Merry Christmas pour ne citer que quelques exemples.  

Nouvelles ou journal intime, le lecteur a du mal à faire la différence car tous les textes sont écrits à la première personne du singulier, d’une écriture très fluide sans afféterie. Ce qui peut surprendre par contre, ce sont ces traits d’humour qui parfois éclosent à la surface de ce fleuve sombre, car ne nous leurrons pas, l’idée du suicide est omniprésente induite par son pessimisme profond et sa souffrance perpétuelle, « ma vision du monde, l’art, la « littérature de demain », la « nouveauté », tout cela donnait lieu à des interrogations répétées, qui m’angoissaient et – je n’exagère pas – me torturaient ».   

Le bouquin est complété par une introduction biographique de Ralph F. Mc Carthy particulièrement intéressante puisqu’elle permet de remettre dans leur contexte les nouvelles qu’on s’apprête à lire. Mais c’est surtout la courte postface du traducteur Didier Chiche qu’il ne faut pas rater, et même parcourir en premier car nous expliquant  comment lire l’écrivain. « Dazai n’arrive peut-être pas à donner le meilleur de lui-même lorsqu’il recherche le lié, le suivi. Mais il est incomparable dans le fragmentaire et le discontinu. En somme ce qu’il y a de plus important chez Dazai, c’est peut-être le rythme. »

Malgré la réputation littéraire de l’écrivain et la postface déjà évoquée, j’avouerai que ce n’est pas mon Japonais préféré. Les artistes maudits et autodestructeurs, certes, certes…

 

« Il [mon frère] mourut au début de l’été suivant mon entrée à l’université ? Le premier jour de cette année-là, il avait suspendu, dans l’alcôve de son salon, un rouleau portant un texte calligraphié de sa propre main. Le texte disait : Ce printemps je serai comme le Bouddha : ni l’alcool ni les amuse-gueule ne feront mon bonheur. Cette phrase provoquait l’hilarité des visiteurs ; et mon frère les accompagnait d’un rire ironique et discret. Pourtant, il n’y avait là nulle mystification : c’était bien le fond de sa pensée. Cependant, comme on savait que mon frère était un plaisantin, les visiteurs ne songeaient qu’à en rire : ils étaient à mille lieues de craindre pour ses jours. »

 

 

dazaï osamu, Osamu Dazai  Cent Vues du mont Fuji  Editions Philippe Picquier

Traduit du japonais par Didier Chiche

 

07:50 | Tags : dazaï osamu | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |