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Thomas McGuane : L’Homme qui avait perdu son nom (20/01/2014)

Thomas McGuane, Thomas McGuane est né en 1939, dans le Michigan, d'une famille d'origine irlandaise. Il a étudié à l'université du Michigan où il rencontrera Jim Harrison qui deviendra son plus vieil ami, ainsi qu'à Yak et à Stanford. Ses romans paraissent à partir de 1969. Il est également l'auteur de scénarios pour le cinéma, notamment celui de Missouri Breaks (1976) d'Arthur Penn, avec Marlon Brando et Jack Nicholson à l’affiche. Quittant la vie tumultueuse du milieu du cinéma, il part habiter dans le Montana, où, entre rodéo et pêche sportive, il continue d'écrire. Il a depuis publié une dizaine de romans, trois essais et deux recueils de nouvelles. Couronné de nombreux prix littéraires il a été élu membre de l'Académie américaine des arts et des lettres en 2010. Actuellement, il vit dans un ranch à McLeod, dans le Montana. Paru en 1989, L’Homme qui avait perdu son nom, était son troisième roman.

Joe Starling vit à Kay West, il a perdu son goût pour la peinture et s’est reconverti dans l’illustration de modes d’emploi pour appareils électroménagers et autres prospectus publicitaires. Il traverse l’existence comme une âme en peine, ne sachant trop quoi faire de sa vie, désabusé et n’avançant que pour ne pas tomber, partageant un peu d’amour avec Astrid, une jeune cubaine. Décidé à se retrouver, sur un coup de tête il plaque tout et retourne à la source, le Montana, pour y reprendre le ranch familial, son héritage depuis la mort de ses parents, tenu par sa tante Lureen, célibataire, et son oncle Smitty, perturbé psychologiquement depuis son retour du bourbier Vietnamien. Au pays de sa jeunesse, Joe retrouve son amour d’alors, Helen, mariée avec son pire ennemi Billy.    

L’herbe est plus verte ailleurs prétend un dicton mensonger et même les cow-boys peuvent se laisser abuser, complète Thomas McGuane. Si Joe Starling abandonne les palmiers de Floride pour les prairies du Montana, il n’y retrouvera pas pour autant la sérénité qu’il pensait y avoir abandonnée. Mal dans sa peau en ville quand il bossait comme illustrateur publicitaire pour son ami d’enfance Ivan, devenu homme d’affaires, Joe l’est tout autant à la campagne, allant jusqu’à confondre deux personnes différentes en prononçant une oraison funèbre. « Faut vraiment que je sorte de ce brouillard, se dit Joe. »

Abandonnant la réussite matérielle offerte par Ivan qui veut le détourner du « gâchis de son existence antérieure », Joe tentera le retour à la terre mais ça l’obligera à raviver des souvenirs pas toujours plaisants, sur son père rancher autoritaire devenu banquier et alcoolique (addiction dont souffrait le propre père de McGuane et qui revient souvent dans son œuvre), sur le voisin qui cherche depuis toujours à s’accaparer les terres familiales pour agrandir son domaine et les magouilles induites dont Lureen et surtout Smitty ne sont pas innocents. Et cette Helen, premier amour de jeunesse, mais fille du voisin qui veut les terres de Joe, dont la fille Clara pourrait être sa propre enfant, a-t-il encore sa chance avec elle ? Quand le roman s’achève, « le ciel était bleu (…) il dut reconnaître que son moral grimpait en flèche », le brouillard de sa vie semble s’être dissipé ?

L’écrivain ne se prive pas de glisser dans son texte des considérations désolées sur l’état de son pays et du monde en général, conséquences du libéralisme économique et de la société de consommation, refusant « de s’abandonner à la fiesta de la consommation qui définissait la vie même de la nation ». A moins, comme tout au long des dix pages des chapitres VIII et IX véritable road-movie entre la Floride et le Montana, qu’il n’utilise le travelling pour nous dépeindre le cœur de l’Amérique.

J’ai un problème avec Thomas McGuane, ses bouquins devraient me passionner, décors et thèmes ont peu ou prou des affinités avec ceux de toute la clique des plumes du Nature Writing, ses potes font tous partie de mes idoles personnelles (Par exemple : Warren Oates, Harry Dean Stanton pour le cinéma, Jim Harrison pour la littérature) mais pourtant, je n’accroche pas vraiment à ses romans. En son temps j’avais lu Le Club de chasse (1992) et comme pour cet Homme qui avait perdu son nom, même si j’admets que ce sont de bons romans, je ne me sens pas aussi enthousiaste que je voudrais bien l’être. En tant que lecteur je me sens trop extérieur à l’histoire, trop détaché. Peut-être est-ce dû à l’écriture que je trouve un peu froide, ici je n’ai réellement été transporté que lorsque l’écrivain évoque la terre et les prairies, alors seulement affleurent sensibilité et humanité (et aussi ce court passage très émouvant sur la révélation concernant la petite Clara).   

 

«  Sa mère jouait au bridge chaque semaine, profondément ennuyée par ses partenaires, des autochtones balourds. Elle se représentait ses concitoyens du Montana comme des personnages éteints, voués au clignotement lointain d’une conscience inculte. Elle avait espéré contre tout espoir que son fils, Joseph Sterling junior, partirait ailleurs chercher la culture et une compagnie stimulante, qu’il se ferait un nom à lui, et se tiendrait plus ou moins en dehors de la ville. En tant que fils unique, Joe s’était senti écartelé entre les revendications contradictoires de ses parents. Son père avait conservé la faculté, typique des hommes de l’Ouest, de scruter l’espace vierge et de le peupler de possibles. Sa mère, quant à elle, considérait l’éducation traditionnelle comme un moyen d’évasion, une évasion qu’elle ne pouvait envisager pour elle-même, mais que son fils accomplirait à sa place. »

 

Thomas McGuane, Thomas McGuane  L’Homme qui avait perdu son nom  Christian Bourgois Editeur

Traduit de l’anglais et préfacé par Brice Matthieussent

 

 

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