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Le café Vachette à Paris (13/09/2015)

A voir son nom cité dans différents ouvrages lus ces derniers mois, je me suis dit que le mieux serait d’aller y voir par moi-même. Le quartier m’était bien connu, le boulevard Saint-Michel à Paris, mais le café Vachette, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’avait jamais retenu mon attention jusqu’alors. J’avais ses coordonnées, l’affaire était simple. Une ou deux photos, un petit noir au comptoir pour humer l’esprit des lieux et j’aurais de quoi écrire un billet pour ce blog. Sauf que.

Sauf que, à l’adresse du 27 boulevard Saint-Michel (Paris V), il n’y a plus de café ! La porte cochère portant ce numéro est encadrée par une banque d’un côté, une boutique de fringues de l’autre et Joseph Gibert sur le trottoir d’en-face. Mince ! Pour les photos c’était foutu, pour le billet j’étais mal barré. Qu’à cela ne tienne, l’expérience vécue ne m’étant d’aucune aide, je m’en tiendrais à celle des autres ; après tout, il paraît toujours des bouquins sur la Bastille pourtant même l’INA n’en conserve pas d’archives télévisées.

Le café Vachette datait du premier Empire mais s’appelait alors Café des grands hommes. A partir de 1880 il devient le lieu de rendez-vous de la bohème, c’est-à-dire de tous les étudiants rêvant de devenir journalistes, écrivains ou poètes. L’un des nombreux cafés littéraires qui fleurissaient dans la capitale. Paul Verlaine en était un pilier mais on y rencontrait aussi Pierre Louÿs, Maurice Barrès, Guy de Maupassant, et le poète Jean Moréas qui y passait toutes ses soirées. (1)

« Jean Moréas Quand il déjeunait au Vachette, il commençait par renvoyer tous les plats. Tout était « infect » « Le gérant s'inclinait en souriant. On faisait mine de lui changer son « infecte » côtelette, et on la lui rapportait un instant après. Il la regardait attentivement : « A la bonne heure ! » S'il demandait de la fine champagne, il flairait la bouteille : «  — Qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie ? Apportez-moi de la vraie ». On tâchait de lui persuader qu'il se trompait; mais, comme il n'entendait pas raison, le gérant finissait par aller chercher une bouteille, qu'on débouchait solennellement. Il la humait : « Très bien !… » C'était la même. » (2)

« Paris était encore étrange et nouveau pour lui. (…) Le Palais de Justice, avec son horloge et ses tourelles, et ses sentinelles vêtues de bleu et de vermillon ; la place Saint-Michel, avec son enchevêtrement d’omnibus et ses affreux griffons crachant de l’eau ; les hauteurs du boulevard Saint-Michel, les tramways, les agents de police déambulant deux par deux, les tables alignées aux terrasses du café Vachette, tout cela n’était encore rien pour lui, et il ne sut même pas, quand il passa des pavés de la place Saint-Michel à l’asphalte du boulevard, qu’il venait de passer la frontière et de pénétrer dans la zone étudiante – le fameux Quartier Latin. » (3)

« Le Quartier Latin ne m’attirait plus. C’est là que je m’étais précipité directement à ma descente du train lors d’un court séjour que j’y avais fait à l’âge de vingt ans. Dès le premier soir, je m’étais installé au Café Vachette et, plein de vénération, m’était fait montrer la place de Verlaine et la table de marbre sur laquelle, dans son ivresse, il frappait toujours avec irritation de sa lourde canne pour imposer le respect. Et moi qui étais hostile à l’alcool, j’avais bu en son honneur un verre d’absinthe, bien que ce breuvage verdâtre ne fût pas du tout à mon goût. » (4)

Je n’ai pas trouvé trace de la date à laquelle il a été démoli, si un lecteur peut nous préciser ce point d’histoire, qu’il n’hésite pas à intervenir par un commentaire.

 

 

Sources : (1) Des tavernes aux bistrots : histoire des cafés Par Luc Bihl, Luc Bihl-Willette – (2) Souvenirs de la vie littéraire par Antoine Albalat – (3) Le Roi en Jaune de Robert W. Chambers – (4) Le Monde d’hier de Stefan Zweig -

07:00 | Tags : verlaine, stefan zweig, robert w chambers | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook |