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Thomas Bernhard : Un Enfant (02/05/2016)

thomas bernhardNé en 1931 à Heerlen aux Pays-Bas, Thomas Bernhard est le fils d'un cultivateur autrichien. Il fait ses études secondaires à Salzbourg et suit des cours de violon et de chant, puis de musicologie. Son premier recueil de poèmes paraît en 1957, suivi deux ans plus tard d'un livret de ballet. Il écrit des pièces dont plusieurs sont jouées dans de nombreux pays et en France à partir de 1960. Thomas Bernhard a obtenu en 1970 le prix Georg Büchner, la plus importante récompense littéraire d'Allemagne occidentale. Il est mort en 1989 à Gmunden (Autriche). Un Enfant, paru en 1982, vient d’être réédité.

Récit autobiographique, Un Enfant, retrace l’enfance de l’écrivain quand il avait une dizaine d’années et vient compléter et achever le cycle formé par L'Origine (1975), La Cave (1976), Le Souffle (1978), Le Froid (1981).       

Thomas Bernhard nait discrètement aux Pays-Bas d’une mère célibataire qui ne reviendra à Vienne qu’en 1932 pour le confier d'abord à ses grands-parents. L’enfant passe ses premières années dans la campagne près de Salzbourg. L'influence de son grand-père, l'écrivain Johannes Freumbichler, le marquera toute sa vie. Sa mère se marie en 1936 et deux ans plus tard, ils partent vivre en Bavière, mais ce dépaysement ne lui convient pas et ses résultats scolaires deviennent catastrophiques, il vit alors l'école comme un enfer. Ses grands-parents s'installent dans la région en 1939. En 1942, il fait un séjour dans un centre d'éducation national-socialiste pour enfants en Thuringe, où il est maltraité et humilié. Il est placé dans un internat nazi à Salzbourg en 1943, avant de revenir en Bavière, en 1944, à cause des bombardements alliés.

Un bouquin assez court mais écrit sans chapitres, ni paragraphes, ni sauts de lignes, un bloc compact – une caractéristique du style de l’écrivain - qui enfile avec brio, techniquement parlant, les nombreux évènements qui marquent cette tranche de vie racontée sans que la chronologie soit toujours respectée. Quant à l’écriture, si elle est parfaitement maîtrisée, elle s’autorise de très longues phrases parfois assez tarabiscotées, « Egalement à l’écrivain qu’on appelait un écrivain célèbre, qui vivait à Henndorf, nous allâmes rendre visite. »

Le texte ne s’adresse qu’aux fans de l’écrivain, comme souvent (toujours ?) quand il s’agit d’autobiographie. Ceux-ci, ayant une connaissance de l’œuvre de l’auteur, ne seront pas surpris de constater qu’on ne se marre pas beaucoup à le lire, ce n’est pas le genre de la maison ! C’est pourquoi je n’hésite pas à vous signaler ce mince trait d’humour, quasiment une pépite inespérée, « Au petit matin il apparut que j’avais confondu la porte de l’armoire à linge avec la porte des cabinets, les deux ayant été installées presque de façon semblable. » A la décharge de Thomas Bernhard il faut convenir qu’il n’a pas eu une vie facile non plus, entre une mère qui lui voue un amour/haine ponctué de coups de nerf de bœuf quand il fait des âneries (et il s’y entend), les vexations subies parce qu’il vient d’une famille pauvre ou parce qu’il pisse au lit, son jeune âge ne l’empêche pas de penser au suicide. Seules éclaircies, la compagnie du grand-père écrivain et anarchiste et les quelques succès en course à pied qui lui vaudront des honneurs ponctuels. On ne s’étonnera donc pas, plus tard, de trouver dans ses romans et textes, les traces de sa répugnance pour le monde, « l’abominable odeur d’un monde stupide où l’impuissance et la bassesse sont au pouvoir » et son pessimisme rampant.

Un bouquin que nous réserverons à un public très ciblé et concerné, j’en conviens.

 

« Mon grand-père avait passé en revue devant moi toutes les possibilités de faire s’effondrer le pont. Avec un explosif on peut tout anéantir, à condition qu’on le veuille. En théorie, chaque jour j’anéantis tout, comprends-tu ? disait-il. En théorie il était possible tous les jours et à tout instant désiré d’anéantir tout, de faire s’effondrer, d’effacer de la terre. Cette pensée, il la trouvait grandiose entre toutes. Moi-même je m’appropriai cette pensée et ma vie durant, je joue avec elle. Je tue quand je veux, je fais s’effondrer quand je veux, j’anéantis quand je veux. Mais la théorie est seulement de la théorie, disait mon grand-père, après quoi il allumait sa pipe. »

 

 

thomas bernhardThomas Bernhard  Un Enfant  Gallimard L’Imaginaire – 151 pages –

Traduit de l’allemand par Albert Kohn

07:36 | Tags : thomas bernhard | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |