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Virginia Woolf : Mrs. Dalloway (20/08/2016)

virginia woolfVirginia Woolf, pseudonyme d’Adeline Virginia Alexandra Stephen (1882-1941), est une femme de lettres anglaise, l'une des principales auteures modernistes du XXe siècle. Bisexuelle et féministe, elle fut une figure marquante de la société littéraire londonienne et un membre central du Bloomsbury Group, qui réunissait des écrivains, artistes et philosophes anglais, groupe au sein duquel elle rencontrera Vita Sackville-West avec qui elle aura une liaison durant toutes les années 1920. Woolf souffrait d'importants troubles mentaux et présentait tous les signes de ce qu'on nomme aujourd'hui, troubles bipolaires. En 1941, à l'âge de 59 ans, elle se suicida par noyade dans l'Ouse, dans le village de Rodmell (Sussex), où elle vivait avec son mari Leonard Woolf, écrivain lui aussi. Elle avait commencé l'écriture comme activité professionnelle en 1905 pour le supplément littéraire du Times ; un premier roman en 1915, tandis que Mrs. Dalloway, l’une de ses œuvres les plus connues, date de 1925. 

Le lieu : Londres, après la Première Guerre mondiale. Le temps : une journée dans la vie de Clarissa Dalloway, une femme de la bonne société anglaise, épouse d’un homme politique (Richard) et mère d’une jeune fille de dix-sept ans (Elizabeth), entre sa sortie le matin pour aller chez le fleuriste et la réception qu’elle donne le soir chez elle.

Une journée au cours de laquelle Clarissa s’interrogera sur les raisons qui l’ont amenée à épouser Richard alors qu’à l’époque elle fréquentait Peter Walsh – Peter qui tout juste revenu des Indes et pour quelques jours à Londres, lui rend une visite imprévue. Evocation aussi d’une relation lesbienne avec Sally Seton quand elle était jeune (« Est-ce que ça n’avait pas, finalement, été de l’amour ? »). Parallèlement à la journée de Clarissa, un drame se joue chez les Warren Smith quand Stephen, jeune militaire revenu de la guerre frappé d’un choc post-traumatique, se suicidera par défenestration au moment où son médecin venait le chercher pour le faire interner. Médecin que nous retrouverons à la réception du soir, révélant cet incident qui troublera beaucoup Clarissa Dalloway. 

Autant le dire tout de suite, si pour vous un roman se doit d’avoir une histoire bien ficelée avec un début et une fin, voire mieux encore, des rebondissements dramatiques, ce bouquin risque de vous décevoir. Ici nous sommes plus dans l’analyse psychologique, l’introspection, la réactivation de souvenirs. A priori, ce n’était pas un roman pour moi, j’ai commencé à le lire avec une certaine distance, le temps de réaliser que je l’abordais par un mauvais angle (pas d’histoire à proprement dire) et de reprendre ma lecture avec une autre paire de lunettes. Et là, j’ai vu et compris les raisons de la renommée de l’écrivain et de ce livre en particulier.

L’écriture très moderne est particulièrement travaillée, voir la place de la ponctuation par exemple (le point-virgule !) ou du dédoublement des mots (« Elle soupirait, elle ronflait, non qu’elle fût endormie, simplement lourde, somnolente, lourde, somnolente, comme un champ de trèfle au soleil… »)  Virginia Woolf est une styliste de haut niveau. Une écriture qui m’a rappelé, par certains aspects, Marcel Proust, avec ses personnages réfléchissant à leurs actes, ramenés à leur passé par de petits faits actuels, des descriptions pointues de leur environnement… mais en moins coulé/coulant à la lecture car mâtinée de James Joyce, quand on passe d’un personnage/d’une situation à un(e) autre subitement. Et que dire de la construction du roman ? Le récit se déroule sur une seule journée mais Virginia Woolf est assez habile pour évoquer des jours anciens et se jouer du temps. 

Les caractères sont très fouillés, l’écrivain opposant les uns aux autres. Le sérieux guindé de Mrs. Dalloway à la « folie » de Septimus ou de Doris Kilman (professeur d’Elizabeth) mais l’opposition peut aussi être intérieure, Mrs. Dalloway sait être un peu snobe alors que Clarissa a des états d’âme qui nous la rendent plus proche. Et si Clarissa Dalloway comme Septimus Warren Smith luttent contre leurs pulsions de mort, l’un y cèdera quand l’autre s’y adaptera.

Un bon roman pour ceux qui feront l’effort nécessaire – mais mérité – d’y entrer, ne serait-ce que pour apprécier ce que le mot écrire veut dire.

 

« Peter Walsh s’était levé, il était allé à la fenêtre, il lui tournait le dos, et se passait nerveusement un grand mouchoir sur le visage. Il avait l’air imposant, sec, solitaire, ses omoplates maigres soulevaient un peu sa veste ; il se mouvait bruyamment. Emmenez-moi, pensa impulsivement Clarissa, comme s’il prenait incessamment le départ pour un grand voyage ; et puis, la minute d’après, ce fut comme si les cinq actes d’une pièce qui avait été très excitante, très émouvante, étaient maintenant terminés, et qu’elle avait vécu, pendant leur déroulement, une vie entière, qu’elle s’était enfuie de chez elle, qu’elle avait vécue avec Peter et que c’était maintenant terminé. »

 

 

virginia woolfVirginia Woolf  Mrs. Dalloway  Gallimard Pléiade Œuvres romanesques tome 1  - 174 pages –

Traduction par Marie-Claire Pasquier

 

07:35 | Tags : virginia woolf | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |