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Hari Kunzru : Larmes blanches

Hari Kunzru Hari Mohan Nath Kunzru, né à Londres en 1969, est un écrivain et journaliste anglais. D'origine anglaise et indienne (Cachemire), Kunzru a grandi dans l'Essex. Il a fait ses études à Oxford et obtenu un Master of Arts en philosophie et littérature à l'Université de Warwick. Il a travaillé comme journaliste depuis 1998, écrivant pour des journaux tel que The Guardian et The Daily Telegraph. Il a été correspondant pour le magazine Time Out, et a travaillé comme présentateur TV, faisant des interviews pour une chaîne anglaise. Un premier roman en 2003 et Larmes blanches, son cinquième qui vient de paraître.

 « Carter et Seth, âgés d’une vingtaine d’années, appartiennent a des mondes opposés. Le premier est l’héritier d’une grande fortune américaine, l’autre est sans le sou, introverti. Ils forment un tandem  uni par une passion commune, la musique, qu’ils écoutent dans leur studio. Seth, obsédé par le son, enregistre par hasard un chanteur de blues inconnu dans Washington Square. Carter, enthousiasmé par la mélodie, l’envoie  sur Internet, prétendant que c’est un disque de blues des années 20, un vinyle perdu depuis longtemps, œuvre d’un musicien obscur, Charlie Shaw. Lorsqu’un vieux collectionneur les contacte pour leur dire que leur faux musicien de blues a réellement existé, Seth accompagné par Leonie, la sœur de Carter, partent dans le Mississipi sur les traces de ce personnage. »

Il y a des bouquins qui vous vont droit au cœur dès les premières pages et dont vous savez quasi immédiatement que vous ne vous en séparerez jamais, pépites secrètes de votre bibliothèque. Larmes blanches est de ces livres.

Le début du roman m’a fait penser à un film (Blow Out de Brian de Palma avec John Travolta) et un autre roman (Haute Fidélité de Nick Horny) : Seth enregistre des sons dans les rues, au hasard de ses promenades et en réécoutant attentivement ses bandes, il va s’engager en terrain miné… Carter, lui, est un fou de blues, monomaniaque toujours en quête de disques rares (78 tours), hyper calé sur les références et les musiciens les plus obscurs. Rien que ce début m’a mis en transes pour des raisons personnelles (je suis moi aussi amoureux de blues et j’ai moi aussi connu à une époque ce genre de recherches mais à un niveau moindre néanmoins).

La suite du roman se complique nettement et risque de faire fuir certains lecteurs potentiels car s’il ne s’agit pas d’un roman classé « fantastique/surnaturel », il s’appuie pourtant sur un cas de possession, dans le sens psychiatrique du terme, avec une finalité de vengeance posthume. Bien entendu je ne m’étendrai pas sur ce point essentiel, au cœur de la forme narrative adoptée par l’auteur. Sachez quand même qu’elle offre surprises, mystères, incompréhensions intrigantes et toute la gamme de prise de tête pour le lecteur qui ne sait plus très bien où il est (à New York ou dans le Mississipi), ni à quelle époque (aujourd’hui ou dans les années 20)… Etourdissant quand on aime ce genre, saoulant quand on n’adhère pas. Pour ce qui est du fond du roman, Hari Kunzru traite de la culture Noire pillée par les Blancs et donc du racisme.

Si j’ai adoré ce roman, je comprendrais très bien qu’il ne fasse pas l’unanimité.

 

« L’histoire que m’a racontée le vieux collectionneur était si étrange que, si je l’avais entendue en toute autre circonstance, je l’aurais écartée, pensant qu’il l’avait inventée. Et pourtant elle avait une force – la force de la vérité, dirais-je, mais cela serait trop simple. Ce n’est pas que je l’ai crue, mais elle semblait venir d’au-delà de la croyance. Quelque chose s’était agrippé à Carter et à moi, une vrille du passé, et si nous ne la détachions pas de nous, nous serions entrainés dans la mort et le silence. »

 

Hari Kunzru Hari Kunzru  Larmes blanches  JC Lattès  - 372 pages –

Traduit de l’anglais par Marie-Hélène Dumas

 

 

 

 

 

« J’ai choisi ce qui était la fierté et la joie de Carter, le Victor 38535, Canned Heat Blues de Tommy Johnson enregistré à Memphis en 1928. » (p.125)

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25/03/2018 | Lien permanent

Daniel Janneau : Le Rire est la source des larmes

Daniel JanneauDaniel Janneau, né en 1961, a été assistant réalisateur avant de coécrire et de réaliser son premier film Le débutant en 1986. Puis c’est pour la télévision qu’il travaille en tournant des épisodes de séries comme Julie Lescaut ou Famille d’accueil ainsi que des téléfilms. En 2013, il sort son premier roman It ‘s only rock’n’roll, après avoir écrit un conte musical pour enfants La sensible. Son dernier ouvrage, Le Rire est la source des larmes, vient de paraître.

En 1613 le baron Amédée Foucher se voit confier par la régente Marie de Médicis une mission de taille, organiser le plus grand spectacle pyrotechnique pour le mariage du jeune roi Louis XIII. Comme il ne sait rien de cet art il décide de s’y former au pays inventeur du feu d’artifice, la Chine. Accompagné par le comte Gaspar de Porcel, son oncle âgé, mais qui connait déjà la Chine, le jeune homme part au bout du monde.  

Les Editions Michalon m’ont offert spontanément deux bouquins consécutivement, je les remercie pour ce geste mais par pitié, arrêtons-là les frais ! Je ne suis pas votre public, ce second ouvrage le confirme. Je reconnais qu’il n’est pas nul comme le précédent mais enfin… je ne sais pas quoi en dire. Par contre je sais ce qu’il n’est pas : il n’est pas trop mal écrit certes mais il ne passionne pas du tout alors que se présentant comme un roman d’aventures c’est là-dessus que le lecteur table.

En vérité il n’a qu’un seul défaut, il est beaucoup trop « gentil » dans le sens ironique de l’antiphrase. Quand on lit un bouquin sensé mêler des péripéties à la Dumas et Marco Polo, on espère en ressortir avec les cheveux en bataille, du sable du désert dans les plis des vêtements, des écorchures aux bras et des souvenirs émus de femmes aux peaux satinées. Ici tout est fade, gentillet, aseptisé, inodore et incolore, un comble pour un tel périple.

Un roman qui se lit mais un roman d’aventures et d’amour au pays des Bisounours pour un certain public qui a bien le droit de s’en régaler mais dont je ne fais pas partie. Quant à la quatrième de couverture… je vous épargne les hurlements d’indignation qu’elle suscite chez moi !

 

« Le temps passait. Amédée avait le sentiment de s’installer dans une vie de province étale, entre un oncle très paternel et une cousine qui aiguisait ses sens. Voilà maintenant trois semaines qu’il était arrivé. Parfois le vent soufflait en rafale avec grande violence et cela pouvait durer des jours. Le comte ne changeait rien à ses habitudes. Le mistral avait beau ployer les arbres, il partait l’après-midi rendre visite à ses taureaux avant d’aller patauger dans les rizières. Amédée s’énervait. Si le comte était incapable de prendre de prendre une décision, lui la prendrait. IL partirait seul. Seul, il traverserait les mers. Seul, il se rendrait au bout du monde. Seul, il triompherait de l’adversité. Et seul, deviendrait le grand artificier du roi. »

 

 

Daniel JanneauDaniel Janneau  Le Rire est la source des larmes  Editions Michalon – 266 pages –

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09/03/2015 | Lien permanent

Sandrine Collette : Les larmes noires sur la terre

sandrine colletteSandrine Collette, née en 1970 à Paris est une romancière française. Passé un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique, elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre tout en travaillant à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines. Les larmes noires sur la terre, son cinquième et dernier roman en date, est paru en début d’année.

Moe est polynésienne, à vingt ans on ne réfléchit pas toujours, elle quitte son île pour suivre un homme à Paris. Quelques années après, son mec l’a larguée et fait d’elle une épave avec en plus un bébé sur les bras. Recueillie par les Services sociaux elle est envoyée, de force, dans un centre pour déshérités, surnommé la Casse. Une vraie casse-auto, où chaque voiture en ruine sert de logement à un être humain déclaré rebut de la société. Une zone clôturée et surveillée. Dans son malheur, Moe a la chance de se retrouver entourée de cinq femmes avec lesquelles elle va se lier…

Un roman avec un sujet assez original même s’il est très proche de nous car cette Casse, centre de regroupement pour tous les miséreux de la société, ressemble fort à un bidonville ou un camp de migrants ; sauf qu’ici, c’’est une prison qui ne dit pas son nom, on ne peut en sortir qu’en payant une somme exorbitante à l’administration. Alors Moe va se mettre en tête qu’elle peut le faire, économiser sou à sou sur le salaire maigrichon qu’on la paie à travailler aux champs. Des journées de travail épuisant, des rations de nourriture chiches et cette obsession insensée qui la taraude comment augmenter son pécule ?

En prison ou en camp, les hommes trouvent toujours le moyen de réaménager leur univers en une ville, une société avec ses propres lois, faite de combines et de ruses. La Casse n’y échappe pas avec ses huit mille habitants. Les six femmes se serrent les coudes, mettent en commun leurs maigres biens sous l’autorité d’Ada l’afghane, une vieille femme qui sert de médecin à la communauté avec ses herbes aux multiples vertus et ses conseils de sagesse. Pour Moe qui ne pense qu’à sauver son fils de cet enfer, les solutions sont peu nombreuses et aussi vieilles que le monde, monnayer son corps et tremper dans le trafic de drogue.

Un roman très dur car aux souffrances vécues dans la Casse, viennent s’ajouter celles pires encore ( ?) connues par ces femmes dans le passé, expliquant leur présence dans ce lieu punitif. Chacune, à un moment du roman, interviendra pour raconter sa vie d’avant – une technique de narration qui m’a semblé néanmoins un peu maladroite – et prétexte pour l’écrivain à passer en revue toutes les misères du monde : enfants battus et esclaves, la drogue et les trafics etc.

L’écriture en phrases très courtes, accentue l’angoisse du récit et dieux du ciel on aimerait tant que Moe et son mouflet s’en sortent… ?

Un bien bon bouquin.   

 

« - Je n’abandonnerai pas mon petit. (…) – Non. Il a besoin d’un toit, de nourriture, de chaleur, d’amour – l’amour, c’est tout ce que vous pouvez lui offrir, et d’autres peuvent le faire aussi. – Ce n’est pas pareil. S’il n’a pas sa mère… - Ne vous bercez pas d’illusions. En hiver, quand il fera dix degrés dans votre voiture avec le chauffage ridicule auquel vous avez droit, que votre enfant sera malade pendant six mois parce que vous n’arriverez plus à lui mettre des vêtements secs, et qu’on vous nourrira de féculents en attendant les nouvelles récoltes, vous croyez que votre amour, ça suffira pour qu’il arrête de dépérir ? – C’est horrible ce que vous dites. – C’est réaliste. C’est ce qui vous attend. Je travaille ici depuis dix ans, croyez-moi, je connais. »

 

sandrine colletteSandrine Collette  Les larmes noires sur la terre  Denoël – 334 pages –

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02/10/2017 | Lien permanent

Henning Mankell : La Lionne Blanche

Mankell Livre lionne 6540621_5723006.jpgHenning Mankell a écrit La Lionne Blanche en 1993 et on y retrouve son héros récurrent, l’inspecteur Kurt Wallander qui exerce son métier à Ystad ville de Scanie, province Suédoise. Un cadavre de femme est retrouvé au fond d’un puits et non loin un doigt humain. Un doigt noir. En Suède ce n’est pas banal. Après un début assez lent et lourd, l’enquête va nous emmener du nord de l’Europe à l’Afrique du Sud, car nous allons être plongés dans un complot visant à abattre Nelson Mandela. Soyons honnête, certains aspects de l’intrigue sont peu crédibles ou bâclés (comme l’arrestation in extremis du tueur dans la scène finale), le début du livre est un peu pénible comme je l’ai déjà dit, pourtant insidieusement on est pris par cette histoire qui dépasse le roman policier pour entrer dans l’Histoire, celle de l’apartheid en Afrique du Sud, de Mandela et du président De Klerk. Le bouquin est construit sur deux intrigues qui se recoupent, l’enquête en Suède menée par Wallander et le complot qui se trame au Cap, ajoutez à cela les problèmes personnels de l’inspecteur, anti-héros absolu, ses relations difficiles avec son vieux père, sa fille et une femme qu’il aime mais n’est pas là. Henning Mankell qui partage sa vie entre la Suède et l’Afrique du Sud connaît bien son sujet.

 

« Je ne veux pas avoir affaire à des tueurs. Je ne veux pas être mêlé à une violence qui me sera incompréhensible jusqu’à ma mort. La prochaine génération de flics aura peut-être une autre expérience et un autre regard sur le métier. Mais pour moi, c’est trop tard. Je ne serai jamais autre chose que ce que je suis. Un policier à peu près compétent dans un district moyen de la province suédoise. Il se leva et contempla une pie qui s’envolait d’un arbre. Je n’ai aucune réponse. Je consacre ma vie à essayer de capturer des criminels. Parfois je réussis, la plupart du temps non. Mais le jour où je mourrai, j’aurai échoué à résoudre l’essentiel. La vie reste pour moi une énigme étrange. »

 

Mankell images.jpgHenning Mankell La Lionne Blanche  Points  

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15/10/2012 | Lien permanent

La librairie Ombres Blanches

Un article dans Le Monde des Livres du 10 avril, suivi quelques jours plus tard, le hasard faisant bien les choses, d’un week-end à Toulouse, je ne pouvais pas faire moins que m’intéresser à cette librairie implantée à quelques mètres de la place du Capitole.

christian thorel, Librairie indépendante créée en 1975, elle fête donc cette année ses 40 ans et à cette occasion, Christian Thorel son fondateur vient de faire paraître un magnifique petit ouvrage, Dans les ombres blanches, qui retrace cette belle aventure.

Si aujourd’hui l’enseigne se répartit sur quatre magasins, pour ainsi dire contigus, employant une quarantaine de salariés, il n’en fut pas toujours de même on s’en doute. Christian Thorel revient dans son livre sur les divers aménagements et agrandissements de ce qui est certainement la plus belle librairie de Toulouse, une ville qui n’en manque pas d’après le peu que j’aie pu en voir. Et encore suis-je restrictif en n’évoquant que Toulouse… Car si la boutique est belle et accueillante, son esprit et ses ramifications culturelles sont un plus indéniable. Espace pour des expositions temporaires, peintures ou photos, accueil d’écrivains venant nombreux présenter leurs livres, partenariat avec les cinémas et autres lieux culturels de la ville…

Christian Thorel est un amoureux des arts, tombé dans le cinéma au départ, la littérature, la musique et la peinture sont son monde qu’il partage avec sa femme Martine. Né au début des années 50, il a connu tous les chambardements sociétaux et culturels qui firent notre éducation (j’ai son âge) durant les sixties et après. Homme de combats et d’engagements, il nous rappelle la lutte pour le prix unique du livre et l’éthique qui guide ses pas comme ses actions depuis toujours. On sent à le lire, qu’au-delà des préoccupations de terrain, comment ranger sa boutique avec ses collaborateurs et réflexions sur la pratique du métier, ou bien ses rencontres avec les éditeurs (Jérôme Lindon, Christian Bourgois…) et les écrivains, les liens humains tiennent une place prépondérante dans sa vie. 

L’arrivée de l’informatique et d’Internet seront des épreuves au début mais il en reconnait les intérêts depuis (dans la gestion des stocks, les commandes etc.) et ne pouvant ignorer Amazon, la librairie a créé son propre site.

A défaut de pouvoir vous rendre sur place, je conseille fortement la lecture de cet épatant petit livre, rapide résumé de l’évolution du monde de l’édition depuis 40 ans et une manière sympathique, pour nous lecteurs, de passer dans l’arrière-boutique d’une librairie pour savoir ce qui s’y passe. Un bouquin instructif mais aussi émouvant car Christian Thorel sait nous toucher et nous faire partager son humanisme. La librairie Ombres Blanches, une belle aventure humaine, culturelle et commerciale, chacun plaçant ces termes dans l’ordre qui lui convient le mieux.  

 

« La librairie n’a pas cessé son combat depuis les années de la guerre du prix unique. Il est important d’affirmer une détermination à en faire un acteur culturel et politique de la ville, autant qu’une entreprise commerciale. Nous resserrons les liens avec les théâtres, les cinémas, les bibliothèques, les éditeurs toulousains. »

 

christian thorel, Christian Thorel  Dans les ombres blanches  Seuil – 84 pages –

Librairie Ombres Blanches : 50 rue Gambetta 31000 Toulouse

 

 

 

 

 

 

 

christian thorel,

Source photo : Le Bouquineur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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28/04/2015 | Lien permanent

Sandrine Collette : Six fourmis blanches

sandrine colletteSandrine Collette, née en 1970 à Paris est une romancière française. Passé un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique, elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre tout en travaillant à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines. Ce roman, Six fourmis blanches, date de 2015 et j’ai bien cru ne jamais pouvoir le lire, tant la file d’attente était longue à la médiathèque de ma ville.

Un petit groupe de six touristes s’est lancé dans un trek de quelques jours dans les montagnes d’Albanie, sous la conduite de Vigan, un guide local. Surpris par une tempête de neige imprévue, l’expédition tourne au cauchemar après un premier mort. Dans ces mêmes montagnes, Mathias, sorte de chaman chargé par les populations d’éloigner les mauvais esprits en sacrifiant des chèvres lors de cérémonies ancestrales, fuit les hommes de main d’un nommé Carche, un vieux caïd de la vallée cherchant à se venger de la mort d’un de ses jeunes parents dont il tient le sacrificateur pour responsable.

Deux histoires contées par deux voix en chapitres alternés : celle de Mathias et celle de Lou, l’une des touristes, et bien entendu ces deux histoires finiront par se croiser pour n’en plus faire qu’une. Le début du roman, avec le personnage de Mathias, crée une ambiance légèrement mystérieuse faite de superstitions et croyances des temps anciens avec des sacrifices d’animaux pour conjurer le mauvais sort et favoriser l’avenir des mariés ou des nouveaux nés, ces grandes événements de la vie. De leur côté nos randonneurs amateurs paraissent bien guillerets à ce point du récit et le lecteur attend que ça dégénère, sans savoir encore d’où viendra le coup.

C’est la nature dans toute sa puissance sauvage qui frappe. Et là nous pouvons féliciter l’écrivain qui sait bien rendre la fatigue des marcheurs, dans un premier temps,  qui est souvent occultée dans les récits de voyageurs pédestres ; puis quand le vrai danger arrive avec son premier mort, les différents stade de la  détresse et de l’angoisse prennent le lecteur à la gorge. On souffre avec eux. Souffrances physiques suivies de souffrances morales quand des choix cornéliens devront être faits (continuer à marcher ou s’arrêter, abandonner un mourant pour peut-être sauver les autres…), ce genre de cas de conscience qui exacerbent le suspense. Pour Mathias, il est aussi question de survie mais lui n’affronte pas des éléments déchainés, ce sont des hommes qui veulent le tuer. Tous ces fuyards finiront par se regrouper, mutualisant leurs peurs et les périls et comme Sandrine Collette trouve que ce n’est pas assez, elle incorpore à son récit un fameux coup de théâtre qui va rogner les dernières miettes du moral de Lou.

On retrouve dans ce roman les éléments sur lesquels l’auteur s’appuie souvent, l’homme affrontant les éléments déchainés de la nature, les cas de consciences et les choix moraux. C’est écrit d’une plume alerte sans s’éterniser dans des détails superflus, bref c’est un bien bon bouquin.

 

« Vigan se prend la tête entre les mains. Non, pas une bête, c’est pas vrai, c’est pas vrai… Nous l’observons en tremblant, hagards, écoutons autour de nous comme si un danger pouvait nous fondre dessus. L’air s’est chargé de tension, notre peur nous prend à la gorge, féroce, décuplée par l’ignorance. Que s’est-il passé ? Qui a découvert Arielle et a pu la dépouiller, l’abandonner de cette façon, sans compassion, sans respect, sans rien ? Sommes-nous arrivés aux confins de l’univers, où nous aurions dérangé une tribu inconnue ? Je ne sais plus ce que nous devons craindre, être seuls ou non, être suivis ou non, par quoi. Homme ou bête. D’un coup Vigan se relève : - On dégage. Tout de suite. »

 

 

sandrine colletteSandrine Collette   Six fourmis blanches   Denoël – 276 pages –

 

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Blanche Cerquiglini : Proust-Monde

Marcel Proust, Jorge Luis Borges, D.H. Lawrence, Aldous Huxley, Rainer Maria Rilke, Edith Wharton, Stephan Zweig, Yukio Mishima, Vladimir Nabokov, Roald Dahl, Haruki Murakami, Umberto Eco, Virginia Woolf, Kazuo Ishiguro, Milan Kundera,   Blanche Cerquiglini est responsable des collections "Folio classique" et "Folio théâtre" chez Gallimard après avoir été secrétaire de rédaction de la revue Critique aux Editions de Minuit et travaillé pour la Bibliothèque de la Pléiade. A ce titre, elle est spécialiste de littérature classique. En parallèle, elle est aussi critique littéraire depuis 2009, publiant principalement des articles sur le roman français contemporain. Ses essais questionnent la société à partir de la littérature.

Proust-Monde - Quand les écrivains étrangers lisent Proust vient de paraître en poche. Il s’agit d’un recueil de 83 textes, dont 20 dans une première traduction, rédigés par des écrivains étrangers. J’ai bien dit écrivains et non critiques ou universitaires. J’ai conscience que cet ouvrage ne va pas intéresser tout le monde mais pour tous ceux qui placent Marcel Proust très haut dans leur panthéon littéraire, sachez que parmi la masse de livres parus cette année sur l’écrivain, à l’occasion du centenaire de sa mort, ce bouquin mérite largement d’être lu.

Pour vous donner une idée de son contenu, le mieux est de vous en donner les titres des principaux chapitres : Traduire Proust (« La complexité de la phrase proustienne, si souvent soulignée par les lecteurs, est redoublée dans la traduction ») Ses premiers lecteurs (Rainer Maria Rilke, Edith Wharton, Stephan Zweig…), Grandeur et longueur de Proust (Yukio Mishima, Vladimir Nabokov…) Anti-Proust, Pastiches et réécritures, Proustophilie (Roald Dahl, Haruki Murakami, Umberto Eco…), Ecrire après Proust ? (Virginia Woolf, Kazuo Ishiguro, Milan Kundera…)

A la lecture de ces titres, vous constatez déjà qu’un minimum d’objectivité assure un bon niveau au bouquin puisque même ceux qui n’aiment pas l’auteur, sont cités (Jorge Luis Borges, D.H. Lawrence, Aldous Huxley…) et ça ne manque pas de sel. Et si on y ajoute le casting du générique que je viens d’esquisser, vous comprenez que c’est tout le gratin mondial de la littérature qui est passé par Proust, qui l’a disséqué, analysé, commenté.

Un bouquin qu’on peut lire en piochant selon son humeur ou comme moi, en allant d’abord directement voir ce qu’en disent vos écrivains préférés. Un excellent document.

 

« Proust ! C’est quoi Proust ? Telle est la jérémiade des non-initiés autour de nous. A ces personnes, qui ne veulent pas être instruites, on répond que Proust est une mode – une maladie – et qu’un proustien, soi-disant, est un mangeur d’opium. Mais, pour ceux qui le connaissent et qui l’aiment, il est un Prospero sage et rusé dont la baguette est le style, et Combray une île enchantée – c’est-à-dire Ferdinand, pas tellement Miranda, mais plutôt Caliban, les marins ivres et tous les autres. » [Violet Hunt]

 

 

 

Marcel Proust, Jorge Luis Borges, D.H. Lawrence, Aldous Huxley, Rainer Maria Rilke, Edith Wharton, Stephan Zweig, Yukio Mishima, Vladimir Nabokov, Roald Dahl, Haruki Murakami, Umberto Eco, Virginia Woolf, Kazuo Ishiguro, Milan Kundera,   Blanche Cerquiglini   Proust-Monde - Quand les écrivains étrangers lisent Proust   Folio  - 588 pages –

Textes choisis, présentés et commentés par Blanche Cerquiglini, Antoine Ginésy, Étienne Sauthier, Guillaume Lefer et Nicolas Bailly.

 

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P.D. James : Meurtres en blouse blanche

P.D. James, Phyllis Dorothy James (1920-2014) est une célèbre écrivaine britannique auteur de romans policiers. A vingt et un ans, elle épouse Connor Bantry White, qui sert dans le corps médical de la Royal Army, et dont elle aura deux filles. Malheureusement, son mari revient traumatisé des Indes et jusqu'à sa mort en 1964, il partage sa vie entre les hôpitaux psychiatriques et sa maison. Pour nourrir ses deux filles et assurer la vie quotidienne, P.D. James doit travailler, d'abord employée de bureau à l'hôpital de Paddington, elle suit les cours du soir pour gravir les échelons de l'administration médicale. Par ailleurs, elle souhaite écrire depuis longtemps. Menant tout de front, elle s'attelle alors à la tâche, tous les matins entre six et huit heures. Sa détermination et son intelligence lui permettent d'accéder à un poste de cadre supérieur au ministère de l'Intérieur où elle travaille au département judiciaire (service de la médecine légale), puis occupe la fonction de magistrat jusqu'en 1984 (section juridique de la brigade criminelle), ce qui enrichit sa connaissance du système policier et juridique. Elle est anoblie en 1990 par la reine, qui la fait baronne James of Holland Park. Son premier roman, A visage couvert, paraît en 1962 et son dernier, La mort s'invite à Pemberley, en 2011. Meurtres en blouse blanche, date de 1971.

Il m’aura fallu attendre le décès de P.D. James pour réaliser que je ne l’avais jamais lue ! Il n’est jamais trop tard pour bien faire alors j’ai ouvert ce Meurtres en blouse blanche, considéré comme l’un de ses meilleurs.  

L'hôpital John Carpendar, « une bâtisse extraordinaire, énorme édifice victorien en brique rouge crénelé, attestant d’une véritable folie ornementale, et que couronnaient quatre grandes tourelles », abrite plusieurs services, dont une école d'infirmières. Deux sont assassinées successivement en ces murs et vont perturber la vie quotidienne du milieu hospitalier sous la direction de Mary Taylor secondée par trois adjointes. L’enquête est confiée au commissaire Adam Dalgliesh, héros récurrent de quatorze romans de P.D. James. 

Comme il s’agit du premier bouquin de l’écrivaine que j’aborde et connaissant sa renommée, j’avoue avoir été surpris car j’ai eu du mal à entrer dans le roman. Le texte est dense, l’écriture très précise en détails et descriptions, je me demandais où tout cela allait nous mener et même les deux cadavres ne semblaient pas pouvoir me sortir d’une lecture qui n’était certes pas ennuyeuse mais pas d’un intérêt réel non plus. L’arrivée du commissaire Dalgliesh, à peine comme une ombre dans le décor et les différents acteurs peu sympathiques, se répandant en propos peu aimables ou perfides sur un ton pète-sec, n’avaient rien pour modifier mon impression. Surtout, en tant que lecteur, je me sentais extérieur à l’intrigue car jamais l’écrivaine ne cherche à aider ou tromper le lecteur qui inconsciemment ou pas, mène sa propre enquête. 

Et puis le dernier tiers du bouquin m’a sorti de mon indifférence. M’étais-je fait au style de P.D. James, à moins que ce ne soit l’enquête qui prenne un rythme plus soutenu, mais tout m’est enfin apparu plus riche et digne du talent d’un grand écrivain. L’étude des caractères m’a ébloui par sa finesse et sa richesse, Adam Dalgliesh m’a dévoilé des aspects de sa personnalité (poète publié, amateur de spectacles mais sans assez de temps libres).

La patience de Dalgliesh, au milieu de ce gynécée, est remarquable ; il devra essuyer la froideur des responsables des lieux perturbés par sa présence pouvant remettre en cause leurs pouvoirs, le secret professionnel et la respectabilité de l’institution, ou bien endurer les remarques féministes, « - Les hommes ne semblent pas  vous inspirer un grand respect, n’est-ce pas Miss Rolfe ? – Si, beaucoup. Mais il se trouve que je ne les aime pas. On doit néanmoins respecter un sexe qui a su faire de l’égoïsme un art si poussé. C’est ça qui vous rend fort, cette aptitude à ne vous intéresser qu’à vous-même. » Et quand la solution révèlera que ces morts sont la conséquence d’un crash inopiné entre passé et présent, Dalgliesh devra encore se débattre avec sa conscience…

Un très bon roman, qui m’a déconcerté au début car je ne connaissais pas le style de P.D. James mais qui me donne envie de m’en imprégner mieux encore. 

 

« « - Celle qui est décédée… qui est morte la première, était une élève infirmière de vingt et un ans, Heather Pearce… » Il rapporta tous les faits qu’il avait pu recueillir en s’efforçant d’éviter l’emploi des termes les plus criants du jargon policier auxquels il savait son chef particulièrement allergique et résista à la tentation de faire étalage de son récent savoir sur les sondes gastriques, sujet qu’il avait pris la peine de se faire expliquer longuement – bien qu’à contrecœur – par Miss Rolfe. « Nous avons donc, conclut-il, plusieurs possibilités : un suicide ou un accident dans le premier cas, ou les deux. Un meurtre dans le premier cas, qui n’aurait pas atteint la bonne victime. Ou encore deux meurtres. Un choix complexe, commissaire. »

 

P.D. James, P.D. James  Meurtres en blouse blanche  Fayard  - 334 pages –

Traduit de l’anglais par Michèle Hechter

 

 

 

 

 

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Kamagurka : L’Angoisse de la page blanche

Kamagurka, Glen Baxter, Né en 1956, Kamagurka (pseudonyme de Luc Zeebroeck) est un  auteur de bande dessinée, peintre, humoriste et dessinateur belge flamand. Extrêmement célèbre en Flandres et aux Pays-Bas, il a notamment publié dans The New Yorker, Hara-Kiri (découvert en 1977 par Gébé, alors rédacteur en chef du journal), Charlie Hebdo. Il est aussi le réalisateur de plusieurs séries pour la télévision belge flamande. Outre près de trente albums de bandes dessinées, il a publié des livres pour enfants et deux pièces de théâtre. L’Angoisse de la page blanche, est un recueil de dessins sorti en 2013, dont certains étaient précédemment parus dans Charlie Hebdo en 1994.

Une page, un dessin accompagné d’une courte phrase, chacun illustrant à sa manière, l’anxiété paralysante de l’écrivain confronté à la page blanche, c'est-à-dire au manque d’inspiration. Sur la forme, nous dirons que le dessin est du genre basique, ce qui n’interdit pas qu’il soit expressif grâce à un petit détail qui fait toute la différence comme une goutte de sueur indiquant la peur panique, ou bien un mince bout de langue signifiant que le personnage s’applique à bien faire.

Soyons honnête, on ne rit pas toujours immédiatement devant un dessin de Kamagurka. L’auteur pratique le nonsense, un peu dans la lignée de Glen Baxter, cette forme d’humour au caractère absurde et paradoxal, devant lequel le lecteur ne peut que : soit détester, car il n’y comprend rien et ne voit pas ce qu’il y a de drôle là-dedans, soit se réjouir, avec ce petit plus qui fait la différence, d’abord parce qu’il trouve cela amusant et en plus parce qu’il se sent valorisé d’avoir pigé l’humour du dessinateur. Pour vous dire que dans ce recueil, certains dessins m’ont amusé immédiatement, d’autres après relecture et réflexion et que quelques uns m’échappent encore… Précisons aussi, qu’il en est quelques uns qui ne peuvent être compris que par le titre de l’album dans lequel ils sont inclus, isolés de ce contexte, ils resteraient bien mystérieux, je crois.

L’avantage avec ce genre d’album, c’est qu’il est nécessaire de le lire et le relire pour en tirer toute la substantifique moelle, une seule lecture ne pouvant en épuiser toutes les astuces.

 

 

Kamagurka, Glen Baxter, Kamagurka  L’Angoisse de la page blanche   Nouvelles Editions Wombat 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ayerdhal : Transparences

Ayerdal Livre 1041790_3015457.jpgAyerdhal est le pseudo de Marc Soulier écrivain français de SF né à Lyon en 1959, pourtant avec Transparences, un thriller, il obtient le Grand Prix de L’Imaginaire en 2004.

Stephen, criminologue et profiler travaillant pour Interpol doit traiter le dossier de Ann X, meurtrière à douze ans de ses parents et d’un couple d’amis et depuis soupçonnée d’un millier d’autres meurtres ! Tous ces crimes ont un point commun ils ont été réalisés à l’arme blanche, poinçon, sabre de samouraï, couteau etc. Avec la collaboration d’agents du FBI, de la NSA et de la BRD il va tenter de piéger cette femme qui semble posséder un pouvoir presque surnaturel, savoir se rendre invisible ou du moins transparente, au point que les témoins de ses crimes sont incapables d’en faire un portrait et que même les caméras de vidéosurveillance ne restituent que des images floues de ses crimes. Au fil de son enquête Stephen va découvrir qu’Ann X est peut-être protégée par des services gouvernementaux, que lui-même fait l’objet d’une filature, et que la meurtrière semble vouloir se rapprocher de lui.

Un roman assez complexe à lire car l’imbroglio entre les services spéciaux et les aspects fantastiques du scénario en rendent la compréhension immédiate assez ardue. Par ailleurs le thème moderne et la description des meurtres comme des ballets gracieux et agiles où un sabre tranche un membre, un poinçon s’enfonce dans un cou (ambiance Kill Bill le film) opposés au style d’écriture légèrement à l’ancienne (langue écrite parfaitement maîtrisée, absence de néologismes ou franglais gratuit etc.) font de ce roman quelque chose d’assez original et donc réussi.

« Un moment, j’ai pensé qu’elle était en train de se doter d’une faculté d’adaptation et de mimétisme hors du commun pour s’offrir une totale liberté de circulation. Mais cela va plus loin : elle n’apprend pas à se fondre, elle apprend à disparaître. Plus précisément, elle apprend non pas à modifier mais à effacer l’image que les autres ont d’elle. Je veux dire la représentation mentale qu’ils se font d’elle. »  

 

220px-Ayerdhal_2010.jpgAyerdhal    Transparences      Livre de Poche n° 37130    

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09/10/2012 | Lien permanent

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