Thomas Bernhard : Extinction
09/10/2012
L’auteur qui vit à Rome reçoit un télégramme de ses deux sœurs l’informant du décès dans un accident de voiture, de leurs parents et frère. Murau quitte la capitale italienne et rentre en Autriche dans le domaine familiale de Wolfsegg afin d’assister à l’enterrement et prendre possession de cette vaste propriété qui désormais lui revient.
Ces quelques jours vont être le prétexte pour Murau à se livrer à une critique incendiaire de tout et tout le monde. Critique de sa famille, son père national-socialiste, sa mère bête, inculte, cupide et trompant son père sans amour pour ses enfants, son frère falot, ses sœurs qui n’ont jamais vécu car restées sous la coupe de leurs parents même si l’une Caecilia a épousé un crétin de fabricant de bouchons de bouteilles de vin. Critique de son pays l’Autriche, trop attachée au national-socialisme et au catholicisme.
Un roman terrible où les critiques succèdent aux critiques, d’autant plus dures qu’elles sont dirigées contre sa propre famille et son pays. Cinq cents pages sans paragraphes ni saut de lignes, des phrases mises bout à bout constituent ce bouquin découpé en deux chapitres, Le télégramme qui se déroule en Italie et Le testament en Autriche, à Wolfsegg. J’avoue que les premières pages furent éprouvantes, cette diarrhée de propos acerbes contre les siens m’a semblé insupportable puis au fil de ma persévérance j’ai accepté le parti pris de Thomas Bernhard et je l’ai suivi jusqu’au bout, car derrière la forme du propos s’est dégagé un style puissant. Un épouvantable grand livre.
Thomas Bernhard écrivain autrichien (1931-1989) a livré en 1986 avec Extinction son tout dernier livre, apogée de son style fait de phrases longues et répétitives, comme pour marteler son propos et nous le faire entrer dans le crâne de gré ou de force. Toute sa vie l’écrivain fera scandale dans son pays par ses textes diffamatoires ou attaquant l’Etat, néanmoins il est reconnu comme un grand écrivain par la critique et reçoit de nombreux prix.
« Les Autrichiens n’ont pas le moindre goût, en tout cas ils n’en ont plus depuis longtemps, partout où l’on jette les yeux règne le pire mauvais goût. Et quel manque d’intérêt généralisé. Comme si l’unique centre était l’estomac, ai-je dit, et que la tête fût entièrement mise hors circuit. Un peuple si bête ai-je dit, et un pays si merveilleux dont, en revanche, la beauté est inégalable. Une nature à nulle autre pareille et des gens qui se désintéressent à tel point de cette nature. Une si haute culture, si ancienne, ai-je dit, et une si barbare absence de culture aujourd’hui, une inculture catastrophique. Ne parlons même pas de la situation politique déprimante. Quelles abominables créatures détiennent aujourd’hui le pouvoir en Autriche ! »
Thomas Bernhard Extinction collection Imaginaire chez Gallimard
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