JM Delacomptée : Petit éloge des amoureux du silence
11/10/2012
Après une enfance en banlieue parisienne, Jean-Michel Delacomptée suit des études de lettres, enseigne quelques années au Laos et à Mantes-la-Ville puis devient chargé de mission auprès du Ministère des Affaires étrangères dans le domaine de la coopération culturelle, scientifique et technique. A ce titre, il occupe un poste d'enseignant à Kyoto puis de conseiller culturel à Jérusalem, avant de remplir, pendant dix ans, différentes fonctions à l'administration centrale. En 1998 il rejoint l'université en tant que maître de conférences en littérature française. Il enseigne actuellement à Paris 8. Amateur de Proust, de Mme de Lafayette, de Montaigne, de Bossuet et de Saint-Simon, il a déjà publié plusieurs portraits littéraires dont un de la Boétie.
Quand un universitaire se penche sur un des maux de notre siècle, le bruit, il peut le faire soit un peu pesamment au travers d’un gros bouquin en convoquant d’illustres spécialistes scientifiques pour les explications des faits et de non moins illustres écrivains pour des exemples tirés de leurs oeuvres. Ou bien, écrire un court ouvrage de 130 pages comme ce Petit éloge des amoureux du silence.
Le titre donne déjà une idée du ton du livre, ce sera court comme je l’ai déjà dit et on louera les mérites de quelques uns, ce que confirment les premières lignes du texte « Ceux qui ignorent ce qu’est le bruit ne me comprendront pas. Ils se diront : « Voilà un mauvais coucheur, un ronchon. » Or, l’auteur est tout ce qu’on veut sauf un mauvais coucheur ou un ronchon. Ces termes péjoratifs sentent le râleur impénitent alors que J.M. Delacomptée, du moins à le lire, semble un garçon charmant et posé, réfléchissant avant d’agir, préférant déménager quand après avoir échoué dans ses négociations avec un voisin bruyant, il aurait pu avoir recours à la violence comme on le voit trop souvent dans les faits divers des journaux.
Tout au long des pages sont listés tous les bruits qui nous pourrissent la vie, de la tondeuse à gazon au bar karaoké, du tapage musical du voisin aux trains qui passent à deux pas de votre maison. Je mets au défi n’importe quel lecteur de ne pas avoir été confronté au moins une fois dans sa vie à l’un de ces exemples.
Subrepticement l’écrivain glisse de-ci de-là, quelques chiffres ou statistiques, ainsi que des réflexions évidentes mais auxquelles ont ne pensent pas assez comme « L’oreille est le seul des cinq sens qui reste en éveil vingt-quatre heures sur vingt-quatre ».
Ce pourrait être un peu ennuyeux à lire, mais un universitaire spécialiste de littérature ne pouvait faire moins que d’écrire un remarquable texte, au style délicieusement emprunt de celui de ses auteurs fétiches. Parfois ça tire un peu à la ligne peut-être, et la fin du livre est gâchée par la mésaventure trop longue de Mme Gomez.
Qu’importe, le bouquin est paru sans faire de bruit pour rester dans sa logique, mais il ne tient qu’à nous lecteurs de crier sur les toits qu’il mérite largement qu’on s’y intéresse.
« On traite de mal embouchés ceux qui détestent le bruit. On se gausse des vieux qui s’en plaignent, voire on les méprise. Mais c’est oublier qu’il faut beaucoup d’énergie pour vivre, et beaucoup d’énergie encore pour supporter les sons abusifs. Le lent retrait de la vie offre une réponse à l’angoisse du néant, tout comme dans les siècles passés, les libertins accueillaient la foi dont ils ricanaient jusqu’alors. En me noyant dans l’ici et le maintenant de l’agitation, le bruit m’inflige une leçon de réalité que je voudrais méconnaître. C’est plus qu’une gêne : une souffrance. »
Jean-Michel Delacomptée Petit éloge des amoureux du silence Folio
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