Antonio Gala : La Passion turque
13/10/2012
Ecrivain espagnol né en 1936, Antonio Gala Velasco s’est essayé à différents genres, journalisme, essais, scénarios pour la télévision mais ce n’est qu’assez tardivement, dans les années 90, qu’il se lancera dans la rédaction de romans. La Passion turque date de 1993.
Desideria, jeune femme de la petite bourgeoisie espagnole déçue par son mariage, va tomber folle amoureuse de Yamam durant un voyage touristique en Turquie. Le livre est son journal, fait de quatre cahiers qui nous livrent toute l’intimité de ses actes et pensées.
Passion folle, passion extrême, les mots sont en dessous de la réalité tant l’amour que Desideria porte à Yamam dépasse l’entendement. La jeune femme qui vivait une vie bien tranquille à Huesca en Espagne va tout quitter, son mari, son vieux père, ses amies, pour aller vivre à Istanbul avec ce Yamam qu’elle ne connaît pas vraiment. Coup de tête sur un coup de foudre, Desideria devient une autre femme, même si « je ressentais pour les Turcs cette hostilité historique et inconsciente des Européens à leur égard » elle n’hésite pas une seconde à partir vivre dans un pays dont elle ne connaît ni la langue, ni les coutumes.
La dictature du corps et le joug du sexe la lient à cet homme dont elle ne peut plus se passer, esclave elle s’accepte et même le revendique haut et fort « plus tu me traiteras mal, plus j’aurai la certitude de t’appartenir complètement et plus je nagerai dans le bonheur ». Et le fait est qu’après le temps du bonheur partagé, lentement le lecteur commence à percevoir que Yamam n’est peut-être pas aussi extraordinaire que Desideria le pense. Deux avortements imposés contre sa volonté par son amant la renvoient en Espagne quelques temps, mais elle ne supporte pas cette séparation et revient à Istanbul contre l’avis de ses amies qui s’inquiètent. Dès lors, vu de l’extérieur, elle tombera de Charybde en Scylla, relations sexuelles avec des clients de Yamam pour faciliter ses affaires louches, partie à trois avec l’une de ses maîtresses, Desideria accepte tout sans broncher, « Je supportai avec ravissement cette nouvelle forme de possession, parce qu’elle prouvait que, comme jamais, il me tenait entre ses mains. »
Arrivé à ce point je dois dire que j’ai eu du mal à poursuivre ma lecture, ce masochisme m’exaspérant au plus haut point. Desideria n’est plus qu’une loque, elle n’a quasiment pas de vie personnelle, son seul objectif est de plaire à son amant, d’être disponible et soumise, s’estimant « indigne de vouer à un être un amour aussi grand ». Sans déflorer la fin du roman, le lecteur devine aisément qu’il ne peut pas se terminer sans un drame.
Même si personnellement j’ai détesté cette héroïne trop extrémiste dans ses sentiments et que certains passages sur les mécanismes des relations amoureuses m’ont un peu barbé, Antonio Gala a écrit un très bon roman, plein de détails et riche en idées fortes, très bien écrit et difficile à lâcher. « Et aucun homme ne sera jamais apte à juger avec sagesse de ce qui se passe dans le cœur d’une femme amoureuse » … on ne saurait mieux dire !
« Nous donnons, par exemple, le nom de « vie normale » à ce que nous avons transformé en véritable immondice : à un leurre, à un appât, pour nous faire travailler, pour nous rendre dociles et gouvernables, pour nous faire fabriquer des armes et qu’il y ait des guerres et des gouvernants qui nous y conduisent ; qui y conduisent nos hommes, comme si les hommes étaient faits pour autre chose que les femmes. Nous nous sommes habitués à l’horreur, à la suite de milliers de générations d’enfants mystifiés qui, leur heure venue, mystifieront à leur tour leurs propres enfants. La vie est comme un luxe de la mort, une ferveur qui la précède ; la mort apparaît dès que de nouveaux êtres viennent au monde… »
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