Mircea Eliade : La nuit bengali
13/10/2012
Mircea Eliade (1907-1986) est historien des religions, philosophe et romancier roumain. A quatorze ans il publie son premier article et à vingt ans il parle déjà allemand, anglais, français et italien. Adulte, il parlait et écrivait couramment huit langues dont l’hébreu, le persan et le sanskrit. De 1933 à 1940 il enseigne la philosophie indienne à l‘Université de Bucarest.
Son roman La nuit bengali date de 1933 mais ne sera traduit en français pour Gallimard qu’en 1950. C’est cette édition que j’ai achetée dans une brocante, son premier ( ?) propriétaire l’avait faite relier, avec le nom de l’auteur et le titre du livre sur la tranche ainsi que ses initiales. A l’intérieur du bouquin, un premier cachet à l’encre bleue en partie délavée précise, me semble-t-il, « Le lieutenant Corroyez – O.D. de la C.P.L.E. » tandis qu’un second sur la page suivante indique le nom et le prénom ainsi qu’une adresse à Draveil (91210). Rien qu’avec ces éléments on pourrait écrire un roman ou du moins une histoire passionnante. Mais aujourd’hui ce n’est pas mon propos.
Revenons à notre roman qui se déroule au Bengale dans les années 30. Allan, un jeune européen, ingénieur et dessinateur technique pour une entreprise de canalisation du delta du Gange, mène une vie de célibataire relativement agréable au sein de la petite communauté blanche qu’il fréquente. Le roman est écrit à la première personne, souvenirs d’Allan et extraits de son journal intime. L’ingénieur va rencontrer Maitreyi une jeune fille indienne fille de son patron, et a son plus grand étonnement – car lors de leurs premières rencontres elle ne l’avait pas particulièrement frappé - il va en tomber amoureux.
Dès lors, tout le roman va s’articuler autour cet amour qui doit rester secret, tant pour Allan vis-à-vis de ses compatriotes qui n’accepteraient pas cette relation entre un blanc et une quasi « négresse », que pour les parents de Maitreyi très à cheval sur les conventions liées à leur religion et leur système de classes typique de la société indienne. La situation est d’autant plus complexe, qu’Allan a été accueilli par les parents de la jeune fille et vit sous leur propre toit chaque jour un peu plus comme un fils. Ajoutez à cela, les jeux de l’amour dont les codes diffèrent selon les cultures et qui mettent les nerfs d’Allan à l’épreuve.
Sans dévoiler vraiment la fin du roman, on peut deviner que l’histoire se terminera tragiquement pour certains des acteurs quand la vérité éclatera, que des souffrances s’atténueront avec le temps pour d’autres, peut-être.
Un très beau livre, peut-être un peu désuet mais avec une très belle histoire d’amour dans un décor exotique et un choc des cultures.
« Le dimanche, mes serviteurs partaient en train pour Shillong et ramenaient des provisions. Je dormais jusqu’à midi et me réveillais la tête lourde et la bouche pâteuse. Je restais au lit tout le jour à recopier mes notes sur mon journal. Je voulais publier plus tard un livre sur la vie réelle du blanc en Assam et je m’analysais moi-même avec le plus de précision possible. Mes jours de marasme et de neurasthénie avaient leur place auprès des jours, naturellement plus nombreux, où le pionnier se réveillait en moi plein d’orgueil et de puissance. »
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