John Haynes : Vingt-cinq ans de solitude
14/10/2012
John Haines est né en 1924 en Virginie et s’installe en 1947 dans une cabane en Alaska où il y passera 25 ans avant dans tirer ce bouquin sous-titré Mémoires du Grand Nord. Nous avons donc affaire à un récit de trappeur, une vie de rudesse dans le froid extrême jusqu’à – 40 l’hiver, où l’homme ne doit sa survie qu’à lui-même. Il faut savoir tout faire, tendre des pièges ou tirer le gibier, le dépecer et l’entreposer à l’abri des loups ou autres prédateurs si on veut se nourrir quand vient l’hiver. Savoir construire sa cabane et les multiples abris disséminés sur tout le territoire de chasse qu’on s’est attribué, et qui pourront servir tôt ou tard si l’on s’égare ou si on est pris dans une tempête de pluie ou de neige. Prévoir est le maître mot. Encore un superbe livre sur l’Homme etla Nature, une histoire d’amour vache où la moindre erreur du premier est aussitôt sanctionnée parla seconde. Mais quand l’un et l’autre sont en harmonie le Paradis originel est de nouveau reconstitué. Il y a entre autres, un passage magnifique, où notre héros solitaire ira à la rencontre d’un autre trappeur isolé, passera la nuit dans sa cabane et repartira au matin sans que les deux hommes qui ne se connaissaient pas n’échangent un seul mot, comblés par le seul fait d’avoir côtoyé un semblable pendant quelques heures. Un bouquin à lire absolument tant il est vrai et beau, servi par une écriture magnifique et poétique.
« Je pose mon sac et m’approche, bâton en main. Je lui décoche un coup sec sur le nez qui la fait tomber dans la neige avec des contorsions. Je la retourne vivement sur le dos, cale mon bâton contre sa gorge et la maintiens ainsi d’un pied tout en plaçant l’autre sur sa fine poitrine. Je sens le petit cœur battre à travers la semelle de mon mocassin. Tandis que je me tiens là, penché sur elle, la martre se ranime à moitié et tente de se libérer avec force coups de patte et convulsions. Mais très vite le cœur cesse de battre et le petit corps mince se détend. J’ôte mon pied et le bâton, ouvre les mâchoires du piège et j’étends la martre sur la neige. C’est un mâle, gros et ombre, à la fourrure épaisse. Mieux vaut les trouver déjà mortes et gelées. Je n’aime pas les tuer de cette façon. »
Les commentaires sont fermés.