Michelet : La Mer
15/10/2012
Jules Michelet (1798-1874) est historien, Chef de la section historique aux Archives nationales et professeur au Collège de France où il distille ses idées libérales et anticléricales. Suspendu en 1848 il est privé de sa chaire au Collège de France et de son poste aux Archives. Il reste connu pour sa monumentale Histoire de France ainsi que pour son Histoire de la Révolution française. En parallèle il écrit des bouquins sur la nature (L’Insecte) et l’homme (La Sorcière).
Ce livre consacré à la mer entre dans la catégorie de ses ouvrages sur la nature avec une approche encyclopédique où Michelet tente de cerner tous les aspects et caractéristiques des océans. La faune, la flore, les plages et les falaises, les pêches, les phares et les grands navigateurs explorateurs, enfin les bienfaits des bains de mer. Ecrit à la lumière des connaissances de son époque – le livre paraît en 1861 – les faits scientifiques ou autres sont présentés avec emphase et dans le style littéraire qu’on lui connaît, à ce propos lire les très belles pages de certains passages de son ouvrage sur la Révolution, ici ce sera le chapitre consacré à la tempête d’octobre 1859. Ce qui est remarquable dans cet ouvrage sur la mer, c’est sa modernité quand il condamne les pêches intensives qui feront disparaître certaines espèces ou le carnage des chasses à la baleine. « Il faut que la France, l’Angleterre, les Etats-Unis, proposent aux autres nations et les décident à promulguer, toutes ensembles, un Droit de la mer ». Ou bien encore quand il prône pour la santé des travailleurs « Dix jours de repos à la mer le remettraient, conserveraient un solide travailleur », nous ne sommes pas loin des congés payés… qui n’arriveront qu’en 1936 ! Et il envisage déjà le développement des constructions le long du littoral « Je parle de l’humble maison des médiocres fortunes. C’est un art nouveau à créer, dont on ne paraît pas se douter. » Tout du long de ce livre Michelet crie son amour de la Nature et de la mer en particulier « La mer, qui commença la vie sur ce globe, en serait encore la bienfaisante nourrice, si l’homme savait seulement respecter l’ordre qui y règne et s’abstenait de le troubler ». Un cri qui devrait nous mettre le rouge aux joues quand on se souvient qu’il date de 1861 !
Ce livre de Jules Michelet ne fera néanmoins pas l’unanimité puisque dans son Journal en date du 20 février 1889 Jules Renard écrit « Lu, de Michelet, la Mer. Michelet est le type du grand bavard. Il extrait d’une petite idée une grande page… On commence par admirer ces écrivains, genre magnifique, qui tiennent des poules pondeuses. Bientôt, on a assez de leurs œufs. » Alors que de son côté Gustave Flaubert par une lettre envoyée à Michelet ne cachait pas son admiration « C’est une œuvre splendide d’un bout à l’autre, qui a l’air simple et qui est sublime. Quelle description que celle de la tempête d’octobre 1859 ? Quel chapitre que celui de la mer de lait, avec cette phrase exquise à la fin : « De ses caresses assidues… la tendresse visible du sein de la femme… »! Vous nous donnez des rêveries immenses, avec l’atome, la fleur de sang, les faiseurs de mondes! Il faudrait tout citer! Vous faites aimer les phoques, on se trouve ému et on a de la reconnaissance pour vous. Quelle merveille d’art et de sentiment que votre page sur les perles (196-197), les mers polaires, la baleine; « l’homme et l’ours fuyaient épouvantés de leurs soupirs… »
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