Mishima : Le Pavillon d’Or
15/10/2012
Yukio Mishima de son vrai nom Kimitake Hiraoka est un écrivain japonais, né le 14 janvier 1925, et qui s'est suicidé par seppuku le 25 novembre 1970. Il publia près de quarante romans mais aussi des essais, des nouvelles et des pièces de théâtre. Son roman Le Pavillon d’Or a été publié au Japon en 1956.
L’auteur s’est inspiré d’un fait divers authentique qui choqua beaucoup les japonais, l’incendie criminel en 1950 du Pavillon d’Or de Kyoto par un jeune moine bouddhiste. Ce temple, trésor national construit vers 1400 avait survécu jusque là à toutes les tentatives de destruction au cours de l’histoire.
Mizoguchi, fils d'un prêtre bouddhiste, est éduqué dans l'idée que le Pavillon d'or de Kyoto est le paroxysme de la beauté, après le décès de son père il y entre comme novice auprès du prieur, ancien ami du défunt. Le jeune homme développe peu à peu une fascination exacerbée pour le temple au point d’espérer en devenir le maître ou bien d'en être le destructeur. Pauvre et bègue il n’a pas d’amis et son introversion le conduit à mettre en comparaison, la splendeur esthétique du temple sacré avec sa détestable constitution d’être humain handicapé.
Tout le roman consiste pour Mishima à nous faire cheminer aux côtés du jeune garçon, pas tant physiquement que psychologiquement, afin de comprendre comment son esprit lentement perverti par sa quête extrémiste de la Beauté va le conduire à son geste définitif, « L’idée que la flamme qui m’anéantirait anéantirait aussi le Pavillon d’Or me donnait presque de l’ivresse ». Car le jeune Mizoguchi se sent littéralement investi d’une mission, poussé par un ego démesuré, « Qu’un jeune garçon, handicapé irrémédiablement, en arrive à penser qu’il est un être secrètement choisi, faut-il en être surpris ? ». Exclus du monde de la Beauté en raison de son physique ingrat, seule la destruction du Pavillon d’Or – symbole de la Beauté parfaite – pourra lui permettre d’atteindre le Mal absolu. Puisque le Beau lui est interdit, il sera le Mal à son plus haut niveau et c’est alors seulement, une fois son geste accompli en une communion parfaite qu’il trouvera enfin sa place en ce monde car « Nul doute que ce ne fût pour VIVRE que je voulais mettre le feu au Pavillon d’Or ». Les dernières lignes du roman nous montrent le pyromane, fumant tranquillement sa cigarette et regardant flamber le temple, comme Néron devant Rome en flammes selon la légende.
Je n’avais jamais lu Mishima et j’ai été étonné par son style – du moins dans ce roman – très moderne. J’imaginais un texte très « japonais » à l’ancienne, lent et ampoulé, alors qu’en fait il est très occidental et même l’aspect introspectif du jeune moine, s’il reste dans la tradition asiatique, relève parfois du Proust dont l’âme et le corps souffrent face àla beauté. Danssa vie comme dans son œuvre, Mishima restera comme l’homme de l’ambiguïté.
« Avant de me coucher, il me fallait aller voir le Pavillon d’Or. (…) C’est vrai, je ne l’avais jamais vu endormi, comme dormait le reste du temple. Ses structures inhabitées pouvaient oublier de dormir. Sa nuit échappait totalement aux lois qui valent pour les hommes. Pour la première fois de ma vie, je lui parlai avec violence ; sur un ton proche de la malédiction, je lui jetai à la face : « Un jour, tu subiras ma loi ! Oui, pour que tu ne te mettes plus en travers de ma route, un jour, coûte que coûte, je serai ton maître ! » Les eaux noires de l’étang répercutèrent ma voix jusqu’au fond de la nuit creuse. »
Yukio Mishima Le Pavillon d’Or Folio
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