Paul Morand : L’homme pressé
15/10/2012
Pierre est antiquaire et vit à cent à l’heure. Chacun de ses gestes est étudié dans le but de gagner du temps, il met ses chaussures tout en nouant sa cravate et a banni les pantalons à boutons pour ceux à fermeture Eclair. Il court, toujours, sans que lui-même ne sache trop pourquoi et finalement sa fébrilité maladive ne lui apportera que tourments. D’abord par son ami et bras droit Placide qui l’abandonnera fatigué par l’énergie vide de sens de Pierre, ensuite quand rencontrant l’Amour avec Hedwige, malgré ses efforts pour adopter un rythme de vie « normal » il ne pourra contenir sa nature, allant jusqu’à demander à sa femme enceinte, de consulterla Médecinepour accélérer de trois mois la naissance de leur enfant, tant son impatience est grande. Bien sûr, sa femme finira par s’éloigner de ce mari invivable. L’issue est prévisible, Pierre dans sa course avec le Temps n’a aucune chance de remporter le challenge etla Mortviendra lui rappeler par une première crise cardiaque non fatale « que la moralité de cette histoire, montre l’Impatient plus souvent puni que récompensé ». Ecrit en 1940 ce roman est étonnamment très moderne et stigmatise certains travers de notre époque avec style en ponctuant le texte de quelques mots rares (séton, ménade, déhiscent etc.). Un très bon roman qui donna lieu en son temps à une adaptation cinématographique très quelconque avec Alain Delon.
« Les souliers ne sont pas plus cirés que les habits ne sont brossés, le déjeuner prêt, le bois scié ou le vin mis en bouteille. Plutôt que de le voir procéder à ces opérations en traînassant, Pierre fait son service lui-même ; Chantepie suit mollement, commente de loin, regarde passer l’éclair. Pierre tonne mais Chantepie ne l’entend pas, car il est sourd. Il vit enfermé dans sa surdité comme Pierre enfermé dans son rythme trépidant : toutes les infirmités sont des prisons. »
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