Paul Morand : Lewis et Irène
15/10/2012
Né à Paris le 13 mars 1888, Paul Morand commence en 1913 une carrière de diplomate qui le conduira aux quatre coins du monde. Révoqué après la seconde guerre mondiale, il est rétabli dans ses fonctions d'ambassadeur en 1953 et mis à la retraite des Affaires étrangères en 1955. Il est élu à l'Académie française en 1968 et décédé à Paris le 23 juillet 1976. Considéré comme un des pères du « style moderne » en littérature, il s'est imposé comme l'un des grands écrivains français du siècle dernier.
Paru en 1924 Lewis et Irène est un très court roman qui se joue des rapports amoureux et professionnels entre deux jeunes financiers. Lewis est un jeune dandy, qui collectionne les femmes comme d’autres les papillons, traitant ses affaires financières à l’instinct et sur ce principe « Dans le doute, abstiens-toi de te servir de ta raison ». Irène est l’héritière d’une riche famille de banquiers grecs, les Apostolatos, indépendante et libre depuis son divorce, c’est une femme en avance sur son époque, active, professionnelle, elle mène ses affaires avec opiniâtreté et rigueur.
Un concours de circonstances les amène à se rencontrer en Sicile pour se disputer l’exploitation des mines de San Lucido. Dans un premier temps Lewis emporte le morceau mais il se trouve confronté à de multiples problèmes administratifs et techniques qui l’empêchent d’exporter le minerai. Il découvre qu’Irène est derrière ces manigances qui l’obligent à revendre la mine à celle-ci. « Il ne fait pas bon d’avoir affaire à vous, reprit-il. Pourquoi n’êtes-vous pas une femme ? » lâchera Lewis de dépit.
Subjugué par cette femme qui l’a défié et vaincu professionnellement, autant que par son indifférence à ses avances, il réalise qu’il a trouvé la femme de sa vie et l’épouse après qu’elle l’ai longtemps repoussé. Tous deux abandonnent leurs affaires et filent vivre le parfait amour dans une petite île grecque.
Mais peut-on vivre d’amour et d’eau fraîche sous le chaud soleil méditerranéen, à se prélasser dans sa chaise longue quand on a connu l’excitation et l’exaltation des flux des cours boursiers ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Je peux dévoiler l’épilogue, Lewis et Irène divorceront et retourneront à leurs affaires, réalisant que « l’amour n’est fait ni pour vous ni pour moi ». Par contre leur amitié en sortira grandie, les poussera à s’unir en affaires et de cette union naîtront de beaux bénéfices !
Qu’il est bon de se replonger dans ces romans écrits dans une langue magistrale, dont Morand s’est fait un champion. Phrases courtes et incisives, grande culture sous-jacente mais jamais ostentatoire, quelques formules bien pesées « L’amitié entre hommes, vous savez ce que les femmes en pensent : ça fait de l’ombre sur leurs robes ». Un roman encore très moderne servi par un style irréprochable.
« - Moi, répondit Lewis, je suis « à responsabilité limitée », et même je n’en accepte aucune, par pessimisme. – C’est très pratique. Vous êtes pessimiste, Lewis, sans avoir réfléchi, parce que c’est plus commode. On n’a pas d’ennuis si l’on se dit que cet univers n’a aucun sens. »
Paul Morand Lewis et Irène Les Cahiers Rouges Grasset
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