Anatole France : L’orme du Mail
16/10/2012
Anatole France dont le nom véritable est Jacques Anatole François Thibault (1844-1924) nous a laissé quelques bons livres comme Le crime de Sylvestre Bonard, La rôtisserie de la reine Pédauque, Les Dieux ont soif ou Histoire contemporaine une tétralogie englobant L’orme du mail (1897), Le mannequin d’osier (1897), L’anneau d’améthyste (1899) et Monsieur Bergeret à Paris (d’abord en feuilleton dans le Figaro (1899) puis en volume en 1901).
Avec L’orme du mail nous abordons donc la première partie de cette Histoire contemporaine. Une petite ville de province, l’évêché de Tourcoing devenu libre, deux ecclésiastiques, l’abbé Lantaigne et l’abbé Guitrel se disputent le poste. Le premier est un antirépublicain ferme sur ses positions, le second un opportuniste ambitieux. Les notables de la ville – tant civils que religieux - vont se diviser mais les forces sont équilibrées. Le roman est divisé en chapitres faits d’observations et de dialogues savoureux emprunts de bienséance où les piques sont distillées par sous-entendus, à mots couverts. Mr Bergeret universitaire libéral, aime retrouver discrètement l’abbé Lantaigne sous l’orme du Mail, pour l’affronter et discuter de l’ordre des choses, de Dieu et du monde comme il va. « Il n’avait au monde de retraite agréable et sûre que ce banc du Mail ombragé par un orme antique, et que le coin des bouquins dans la boutique de Paillot ». Nous retrouverons plus tard cet intellectuel sceptique et désabusé dans les autres épisodes de la tétralogie.
Le style poli de l’écrivain, les propos courtois au pire ironique des protagonistes dissimulent en fait une subtile cruauté avec laquelle Anatole France dresse le portrait des notables de province, dans le décor plus général de la lutte de cette époque entre l’Eglise etLa République. Capeut paraître vieillot pour certains, personnellement j’en ai trouvé la lecture délicieuse, agréablement parfumée par les feuilles jaunies de mon édition de 1948 achetée dans une brocante.
« Au reste, ces changements prévus ne le surprenaient jamais. Sa politique administrative était toute fondée sur cette considération que les ministres passent. Il s’étudiait à ne jamais servir un ministre de l’Intérieur avec un zèle ardent. Il se défendait de plaire excessivement à aucun, et évitait toutes les occasions de trop bien faire. Cette modération, gardée pendant la durée d’un ministère, lui assurait la sympathie du suivant, prévenu de la sorte assez favorablement pour agréer ensuite le zèle médiocre, qui devenait un titre à la faveur d’un troisième cabinet. M. le préfet Worms-Clavelin administrait peu, correspondait brièvement avecla place Beauvau, ménageait les bureaux, et durait. »
Anatole France L’orme du Mail Calmann-Lévy
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