David Trueba : Savoir perdre
17/10/2012
L’Espagnol David Trueba né le 10 septembre 1969 à Madrid est écrivain, journaliste, scénariste et réalisateur. Le roman Savoir perdre récemment paru, son troisième livre traduit en français, a remporté un immense succès international.
L’histoire se déroule de nos jours à Madrid et mêle les destins de plusieurs personnages d’origines diverses, chacun connaissant au moins l’un des autres protagonistes créant ainsi une chaîne de vies ordinaires pourla plupart. Ily a le couple Leandro ancien pianiste et Aurora, des septuagénaires à la vie bien réglée et calme. Lorenzo leur fils au chômage, séparé de sa femme et qui vit avec sa fille Sylvia une adolescente de seize ans. Ariel un jeune footballeur argentin auquel on prédit un bel avenir, fraîchement engagé par un club madrilène (pour les amateurs, les digressions et détails sur la vie des footballeurs et leurs clubs sont particulièrement bien informés).
David Trueba non sans habilité va faire interagir les uns avec les autres ces personnes, plus quelques seconds rôles non moins nombreux pour former un vaste roman chorale où ces vies vont entrer en résonance et dessiner sous nos yeux une fresque contemporaine de notre monde. Dans le désordre nous suivrons, Leandro qui devient addict d’une maison close et plus particulièrement d’une prostituée africaine avant que sa femme ne soit diagnostiquée cancéreuse en stade terminal. Leur fils Lorenzo commet un crime de sang avant de rencontrer l’amour avec une Equatorienne sans papiers, alors que Sylvia sa fille, connaît son premier amour et deviendra femme dans les bras d’Ariel. Ce ne sont là que quelques exemples de cet imbroglio de pistes qui s’enchevêtrent mais restent claires à suivre car l’auteur change de chapitre à mesure qu’il nous livre un nouveau pan de vie d’un de ses personnages.
Sans vous dévoiler la fin de ces nombreuses histoires et relations mais sachant que le titre du bouquin annonce la couleur, Savoir perdre, vous imaginez bien que chacun va devoir apprendre à accepter son destin qui est fait de hauts et de bas. Instants de bonheur quand on est en haut, de désespoir quand on est en bas, l’important c’est la tendance ou la ligne générale qui s’en dégage. Pour nous comme pour Ariel, Sylvia, Lorenzo et les autres, le livre se referme sur des expériences arrivées à leur terme, comme souvent c’est triste mais c’est aussi l’aube d’un nouveau départ qui nous voit plus forts.
Même si j’ai trouvé que quelques passages étaient un peu faibles et convenus ou trop proches des clichés comme lorsque Daniela l’Equatorienne ou Osembe l’Africaine évoquent leurs vies antérieures dans leurs pays, globalement le roman est réussi, très souvent émouvant et prenant.
« Leandro se souvient en détail d’un soir, de nombreuses années auparavant : il était rentré du conservatoire et Aurora lui avait demandé comment s’était passée sa journée. Bien, avait-il répondu laconiquement. Un léger gémissement de sa femme avait alors brisé le silence et Leandro avait découvert qu’elle pleurait. Il lui avait demandé pourquoi. Elle avait mis du temps à le lui dire. Lorsqu’elle s’intéressait à sa journée, elle attendait un peu plus qu’un « bien » pour toute réponse, avait simplement avoué Aurora. Elle s’était retirée dans leur chambre et n’avait jamais reformulé ce reproche de manière si explicite. Leandro sait que le compte à rebours instauré par la maladie ne compensera pas une vie entière. Il espère que tous les bons moments additionnés constitueront pour Aurora un bilan positif de leur vie en commun, mais personne ne pourra jamais lui pardonner ce qu’il en a soustrait, l’épargne stupide de ses émotions. Elle ne le méritait pas, elle avait oeuvré pour bâtir quelque chose de plus ardent, de plus riche. »
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