Panaït Istrati : Mes départs
19/11/2012
Panaït Istrati (1884-1935) est un écrivain roumain de langue française. Il naît dans un petit port roumain sur le Danube, fils d’une blanchisseuse et d'un contrebandier grec qui sera tué par les garde-côtes alors qu’il est encore bébé. Dans les dernières années de sa vie, il publie des articles dénonçant les injustices sociales de son temps. Il meurt de la tuberculose dans un sanatorium de Bucarest, vilipendé tant par les communistes que par les fascistes. Figure très célèbre de la littérature de l'entre-deux-guerres, Panait Istrati tombe dans un oubli quasi complet pendant plusieurs décennies et son œuvre est interdite en France durant la guerre, et en Roumanie durant le régime communiste. Elle est peu à peu rééditée en France à partir des années 1960. L’écrivain est surtout connu pour son livre Kyra Kiralina.
Court récit autobiographique, Mes départs nous conte les débuts dans la vie de Panaït Istrati. Elevé par une mère ayant bien du mal à joindre les deux bouts, il doit quitter l’école très vite à la déception de son maître qui entrevoyait des possibilités chez le jeune garçon. Il trouve un boulot dans une taverne appartenant à un Grec, Kir Leonida, occupé par de multiples activités autres. L’apprenti est chargé des besognes les plus difficiles, s’épuisant à courir des caves à la salle, dix-neuf heures par jour, deux journées de repos par an, maltraité par le caissier qui gère la boutique tout en volant le patron. Une vie d’esclave mais le gamin est costaud et ambitieux, il veut apprendre la langue grecque, celle de son père envolé, et puis le fleuve Danube l’attire comme un aimant, symbole de la vie qui court là-bas au loin.
Dans ce cabaret pas très bien famé, il croisera le destin du capitaine Mavromati devenu le souffre-douleur des autres employés de la taverne, qui lui fera un cadeau inestimable, un dictionnaire avec lequel le jeune Istrati s’enrichira intellectuellement, dès qu’il pourra avoir un instant de répit dans sa longue journée. Après le décès tragique du capitaine, le garçon est comme libéré de ses dernières attaches, il quitte son job et part à la découverte du monde.
Passager clandestin d’un navire en route vers la France, démasqué il est débarqué à Naples. Là durant plusieurs semaines il connaît la misère et la faim. Enfin, il trouve le moyen de réembarquer, toujours sans billet, sur un autre bateau qui l’emporte ailleurs.
Souvenirs de jeunesse de l’écrivain, roman d’apprentissage, Panaït Istrati sait ce que vie dure veut dire. Après avoir quitté une mère qui l’adorait, il connaitra la maltraitance, les dures conditions de travail et les brimades mesquines par son employeur. Attiré par la liberté mais sans boulot, il subira la faim et les nuits à la rue en terre étrangère à Naples. Mais toujours poussé par l’envie de vivre et la soif de savoir, les voyages seront son moteur. Voir ailleurs si l’herbe est plus verte.
L’écrivain aurait pu choisir un ton dramatique en nous plongeant dans les affres de la misère, au contraire il adopte un style tragicomique. Les épreuves endurées sont dites mais sans s’appesantir, parfois suggérées dans une ellipse élégante. Une écriture vive et épurée, truffée de mots étrangers en grec ou roumain pour rendre vivant le cosmopolitisme de cette aventure d’homme en devenir. Au détour des pages, des règles de vie : « Espère toujours le mieux. Quand on ne le peut plus, alors tout est fini », « Qui ne sent pas la nécessité du combat ne vit pas, mais végète », une constante dans la pensée d’Istrati, se battre, toujours. Le crédo des émigrants d’hier comme d’aujourd’hui.
« Je fais toute la ville et le port ; je m’offre, pour des salaires dérisoires, partout où je vois une besogne à faire, mais je me rends compte de l’inanité de mes efforts : les Napolitains mêmes sont de trop et crèvent plus de faim que moi. Il y en a dix qui se battent pour une place, pour une heure de travail, pour une malle à porter. Le soir venu, je me glisse, sous notre toit, sans avoir mangé de toute la journée… »
Panaït Istrati Mes départs Folio
Ce texte est extrait de La jeunesse d’Adrian Zograffi : Codine, Mikhaïl, Mes départs, Le pêcheur d’éponges
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