Lance Weller : Wilderness
28/02/2013
L’écrivain américain Lance Weller, né en 1965, est l’auteur de plusieurs nouvelles et Wilderness est son premier roman. Il vit à Gig Harbor, dans l’État de Washington, avec sa femme et ses chiens.
Abel Truman vit sur la côte Nord-Ouest des Etats-Unis, dans une pauvre cabane avec son chien pour unique compagnon. Trente ans plus tôt, il a survécu à la bataille de la Wilderness, l'un des affrontements les plus sanglants de la Guerre civile américaine. Depuis, Abel est hanté par son passé douloureux, jusqu'au jour où il décide de partir pour un ultime voyage. Mais le vieux soldat ne tarde pas à être rattrapé par la violence lorsque deux hommes lui dérobent son chien. Laissé pour mort par ses assaillants, Abel part sur leurs traces à travers les Olympics Mountains.
Voici le résumé du roman, tel qu’on peut le lire sur la quatrième de couverture du livre. Pourtant, même s’il est alléchant, ce n’est que la face émergée de l’iceberg, tant ce bouquin est riche, dense et bigrement plus énorme que cette mince péripétie néanmoins symbolique. Et vous le comprendrez très vite, dès les premières pages du prologue on pressent qu’on va assister à un drame terriblement bouleversant.
Le roman court entre 1864 et 1899, mais la construction narrative, complexe tout en étant parfaitement maîtrisée par Lance Weller, n’est pas linéaire. Le présent du roman, son épilogue, se situe en 1899 mais de nombreux flashbacks renvoient le lecteur à différentes époques antérieures, dont les dernières années de la Guerre de Sécession (1861-1865). A ce propos, le titre de l’ouvrage, Wilderness, évoque une région de forêts où eut lieu une terrible bataille en 1864, ce qui nous vaut des scènes épouvantables et atroces, d’une violence inouïe lorsque les hommes perdent tous leurs repères.
Nous suivons Abel Truman en permanence, mais des personnages secondaires le croisent et le recroisent au fil des chapitres, Glenn Makers et Ellen, Dexter et Hypatia… Tous vont souffrir, certains, nombreux, pire encore. Roman de la souffrance, guerre, viols, ségrégation raciale, criminels minables, corps meurtris, aucun répit durant ces trois-cents pages. Roman de la mémoire aussi, quand ce ne sont pas les corps, c’est l’esprit qui trinque par le biais de la mémoire « … à peine s’était-il isolé du monde que la mémoire revenait faire ses ravages. »
Tout le roman est une succession de scènes – de toute nature – extraordinaires de maîtrise littéraire au service d’une émotion poignante permanente. J’ai rarement été aussi bouleversé à la lecture d’un roman. Tragique, pathétique, j’enrage de ne pas trouver les mots parfaits pour vous inciter à lire ce livre. Je me suis toujours gardé d’utiliser le terme de chef-d’œuvre pour parler d’un bouquin, me méfiant de ce mot trop galvaudé, mais aujourd’hui, j’avoue qu’il m’est difficile de ne pas le considérer comme tel. D’un coup, mais quel coup de maître, Lance Weller vient d’entrer dans la cour des très grands écrivains contemporains.
« A ses côtés, le chien percevait son désespoir et savait ce que le vieil homme ignorait, il savait qu’il allait bientôt tenter quelque chose et qu’il échouerait, et qu’ils se mettraient en route peu après. Le chien savait aussi qu’ils ne reviendraient pas. Il savait ces choses de la même façon qu’un chien connaît bien le cœur de l’homme qu’il aime et comprend ce cœur encore mieux que ce que l’homme pourrait espérer. Le vieil homme caressa la tête du chien, l’air absent, et l’animal leva les yeux vers lui un instant avant de poser le menton sur ses pattes de devant et de fermer les paupières. »
Lance Weller Wilderness Gallmeister
1 commentaire
Merveilleux commentaire qui traduit bien ce que j'ai ressenti en lisant ce roman que d'ailleurs vous m'avez fait découvrir.
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