Donna Tartt : Le Chardonneret
12/01/2014
Donna Tartt écrivain américaine est née en 1963 dans le Mississippi. Elle a étudié au Bennington College dans le Vermont où elle s'est liée d'amitié avec l'écrivain Bret Easton Ellis, à qui elle a dédicacé son chef-d'œuvre, Le Maître des illusions paru en 1993. Dix ans plus tard elle publie son second roman Le Petit Copain. Son troisième bouquin, Le Chardonneret, vient tout juste de sortir en librairies.
Alors que le jeune Théodore Decker, treize ans et narrateur du roman, visite le Metropolitan Museum de New York, un attentat meurtrier dévaste plusieurs salles d’exposition et fait de nombreuses victimes, dont sa mère et un vieil homme qui a tout juste le temps de lui confier une bague en or et une adresse. Le gamin s’échappe des lieux, emportant avec lui une toile qu’aimait particulièrement sa mère, Le Chardonneret, un petit tableau d’une valeur inestimable, du peintre flamand Carel Fabritius, élève de Rembrandt et inspirateur de Vermeer, dont la plupart des œuvres ont disparu dans l'explosion de la poudrière de Delft en 1654.
A partir de cet instant, le roman va s’étendre sur une quinzaine d’années au cours desquelles Théo est recueilli par les Barbour, riches parents de son unique ami. Il retrouvera aussi Hoby l'associé de l'antiquaire dont il avait accompagné l'agonie au musée et revoit la rousse Pippa, blessée dans l'attentat. Puis, son père alcoolique et joueur qui avait quitté le foyer familial refait surface et l'emmène à Las Vegas où il se lie à un adolescent ukrainien, Boris, qui l'initie aux drogues et aux coups fourrés. C'est le début d'une longue amitié. Après la mort brutale de son père, Theo repart à New York. Et durant tout ce temps, le tableau en fil rouge, recherché par les autorités, change de mains, est volé au voleur et vice versa… Et ce n’est qu’un aperçu des multiples péripéties contenues dans ce bouquin.
Qu’ai-je pensé de ce roman me demanderez-vous ? C’est exactement la même question que je me pose en rédigeant cette chronique car il illustre parfaitement à mon sens, la fameuse métaphore du verre à moitié plein ou à moitié vide.
C’est un bon roman avec un bon sujet, oui. Il est bien écrit, dans un style alerte qui incite à poursuivre la lecture, oui. Mais il souffre d’un défaut énorme, c’est le cas de le dire, il est beaucoup trop long, huit cents pages ! En découlent des dommages collatéraux : des digressions à n’en plus finir, des précisions qui ne servent à rien, un point de vue de lecteur biaisé et un agacement qui monte car la narration sous-tend un mystère rampant dont on attend avec une impatience exaspérée qu’il explose. Ressort sur lequel joue Donna Tartt et c’est son droit absolu mais quand j’ai en mains un tel pavé si je ne vois pas bien où je vais, je crains de perdre mon temps. Et c’est là que je suis resté un peu perplexe, il se passe énormément de choses dans ce roman, mais rien de vraiment intéressant ! La preuve, c’est qu’on pourrait amputer le texte de longs paragraphes sans en dénaturer le sens. Comme ces téléfilms diffusés à la télé, ça bouge beaucoup mais quand ça s’arrête, on n’en retient rien de particulier. Par exemple, on n’a que peu d’empathie pour Théo qui n’est pas une blanche colombe (un des thèmes du roman, qu’est-ce que le Bien ou le Mal ?), sauf au tout début au moment de l’attentat, et dans l’ensemble le texte manque d’émotions, sauf quand Théo adulte retrouve Mrs Barbour.
Pas vraiment un polar, pas réellement un thriller, mais si quand même sur la fin. Roman initiatique ai-je lu, oui un peu par évidence - une tranche de vie entre treize et trente ans - mais tellement loin de la vraie vie qu’on n’en retire aucune morale. Et quand le roman semble prendre de l’épaisseur dans les dernières pages, enfin ( !), on tombe dans le lourdingue qui contraste avec le reste du roman, et l’éthique simpliste qui veut que même nos mauvaises actions peuvent, in fine, aboutir à faire le bien si c’était écrit.
En résumé, un roman qui n’est pas mauvais intrinsèquement mais gravement handicapé par sa longueur et bien loin de l’engouement général que je vois poindre dans les médias et sur les blogs.
« Il avait enlevé sa bague, une lourde bague en or ornée d’une pierre sculptée ; il essayait de me la donner. « Mais non, je n’en veux pas, ai-je protesté, effarouché. Pourquoi vous faites ça ? » Mais il l’a pressée dans ma paume. Sa respiration gargouillait de vilaine manière. « Hobart & Blackwell, a-t-il lâché, et sa voix était telle qu’on aurait cru qu’il se noyait de l’intérieur. Appuie sur la sonnette verte. – La sonnette verte », ai-je répété, dubitatif. Il a laissé sa tête pencher d’avant en arrière, comme s’il était groggy, ses lèvres tremblaient. Ses yeux ne convergeaient pas. Quand ils ont glissé vers moi sans me voir, j’en ai eu des frissons. »
Donna Tartt Le Chardonneret Plon Feux croisés
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Edith Soonckindt
2 commentaires
Noooooooooooon! Il ne faut pas trop en raconter! (je plaisante!)
J'ai bien aimé les digressions descriptives d'ambiances et de villes, et n'ai pas trépigné quand c'était lent et que je voulais connaître la suite; exact, Theo n'est pas franchement sympathique (pfff, Oliver Twist avait un côté agaçant que n'a pas Théo, finalement). D'accord pour la fin et le simplisme, d'ailleurs je n'en ai même pas parlé.
C'est bien d'avoir un avis moins enthousiaste. J'en avais lu un récemment dans une revue de critique littéraire (dont le nom m'échappe, jamais je ne l'avais vue)
La description de milieux divers, du huppé au sordide, est un bon point, je critiquerais plus par exemple, ces cinq longues lignes rien que pour commenter Théo cherchant une adresse dans un quartier de New York. Et je n’ai pas trouvé le rythme lent – au contraire – et c’est un autre bon point, mais il ne se passe pas VRAIMENT grand-chose et on attend on ne sait quoi. Pour en terminer, comme je l’ai dit c’est un bon roman mais sa longueur, seul vrai point noir, en étouffe l’intérêt. C’est bien dommage puisque par ailleurs il a quand même de nombreuses qualités…
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