Ron Rash : Le Monde à l’endroit
27/02/2014
Ron Rash, né en Caroline du Sud en 1953, titulaire d’une chaire à l’Université, écrit des poèmes, des nouvelles et des romans. Son premier roman paru en France en 2009, Un pied au paradis, a fait forte impression et Serena en 2011, l’impose comme l’un des grands écrivains américains contemporains. Le Monde à l’endroit est paru en 2012.
Travis Shelton, 17 ans, est un jeune rebelle ne supportant plus l’autorité. Il a quitté les bancs de l’école et ses rapports avec son père, cultivateur de tabac et homme rude, sont plus que tendus, le père ne voyant en son fils « rien d’autre qu’un enquiquineur » n’ayant pas « l’étoffe d’un homme pour t’en tirer tout seul » lui avait-il déclaré. Travis traîne avec ses potes dans son bled des Appalaches, boit des bières et parle de moteurs ou de bagnoles en lorgnant les filles de loin.
Un jour, parti à la pêche à la truite dans la montagne, il tombe par hasard sur une plantation de cannabis dont il s’empresse d’aller revendre quelques pieds à Leonard, un homme qui vit dans un mobile home avec Dena, une junkie, dealant pilules et autres substances auprès de la jeunesse locale. Le début de ses ennuis va commencer car ce cannabis appartient à Carlton Toomey, un dur de dur qui va sévèrement punir le gamin. Recueilli par Leonard, Travis va entrevoir la possibilité d’une autre vie, reprendre des études, découvrir la tendresse avec Lori. Mais le lecteur n’est pas naïf, il sait très bien que Ron Rash n’écrit pas pour la Bibliothèque Rose…
On retrouve une fois encore et avec plaisir, l’écriture puissante de Ron Rash où aucun mot n’est superflu, où les descriptions sont précises mais sans excès de détails. Le jeune Travis, rebellé contre l’autorité et ne supportant pas qu’on lui dise ce qu’il doit faire, se trouve confronté à trois hommes adultes. Son père, dont il s’émancipe tout en rageant de ne pouvoir lui arracher le moindre compliment ; Carlton Toomey, qui l’a puni comme une bête, sauvagement et physiquement, n’épargnant sa vie que par intérêt ; et ce Leonard qui s’avérera un personnage tout autre que l’image qu’on a de lui dans la région, compréhensif, instruit, un vrai père pour Travis, mais aussi faible de caractère, voire lâche. Si Leonard aide Travis à trouver sa voie dans ce monde de brutes, par un effet de feedback il s’aide lui-même à se sortir de la condition où il s’est retrouvé placé suite à une injustice qui lui a fait perdre emploi et famille, une quête de rédemption.
Un bon roman, même si à mon sens c’est le moins réussi de Ron Rash. La scène finale en deux temps de la confrontation entre Leonard et Carlton Toomey, genre duel ultime de western, est un peu appuyée. Et l’histoire en parallèle se référant à un massacre de civils dans la région, durant la guerre de Sécession, ne m’a pas paru bien greffée. Malgré ces critiques, si je ne lisais que des bouquins de cette trempe, je serais un lecteur heureux.
« Travis serra le volant un peu plus fort, le souvenir du ridicule qu’il avait ressenti lui embrasait le visage. La prochaine fois, dans les mains il aurait un gros caillou. Il le jetterait dans cette saloperie de pare-brise et verrait si le vieux ne le remarquait pas. Il repensa à la gifle, à l’impression que le poison des piqûres de la guêpe avait afflué de toutes les parties de son corps dans sa joue gauche. Toujours là, d’une certaine façon, comme une marque. Mais il n’avait plus à se tracasser de déplaire à son père. Il pouvait faire ce qu’il voulait, travailler dans une ferme, dans une épicerie ou derrière un bureau, si ça lui chantait. Il pouvait lire un livre et démonter ce livre comme se c’était un moteur pour voir comment il fonctionnait. »
Ron Rash Le Monde à l’endroit Editions du Seuil - 280 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez
K-LIBRE 3'57 #3 - RON RASH from k-libre on Vimeo.
2 commentaires
J'ai préféré Un pied au paradis, c'est sûr. Mais je n'ai pas lu son dernier!
J'ai bien vu l'info sur la suite de Abbey Road
J'ai aussi bien reçu les mails. Je cogite.
Ron Rash reste un écrivain à suivre pour moi. Découvert tardivement je m'en régale. Pour notre "affaire", cogitez tranquillement...
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