Christine Cerrada : Le Pays silencieux
09/08/2014
Née à Pau en 1962, Christine Cerrada est avocate au barreau de Paris. Passionnée par l'écriture, mais trop prise par sa vie professionnelle, ce n'est qu'en 2011 qu'elle révèle son talent d'écrivaine et décide alors de s'y consacrer davantage. Après la publication de trois nouvelles, son premier roman, Un Mari ordinaire, parait en 2013 et le second, Le Pays silencieux, sera bientôt disponible à la vente.
Laure la narratrice, femme active de quarante-huit ans, se sachant condamnée par ce qu’il est de bon ton d’appeler « une longue maladie » décide de ne pas être traitée inutilement pour ne pas souffrir. Par contre, elle se propose de mettre par écrit le court futur lui restant à vivre avant d’entrer au Pays silencieux, selon la jolie formule empruntée à un lied de Strauss. Entourée de ses proches, Louis son mari de vingt ans son aîné, Alex son fils préparant HEC, Marion sa sœur et Paul, son grand amour de jeunesse devenu son meilleur ami, nous écoutons cette femme nous dire ses interrogations, sa souffrance, mais aussi ses joies.
Je tiens à préciser tout de suite que le roman ne vous plongera pas dans le désespoir avec étalage clinique des humeurs de la malade, ni dans le larmoyant perpétuel – même si parfois et c’est bien compréhensible, l’œil s’humidifie -, car je ne l’aurais pas supporté. On y relèvera même des traces d’humour (« [Le docteur] qui me suit. J’aime bien cette expression. Il me suit mais se gardera bien d’aller où je vais ») et de l’autodérision, Laure femme de tête, ne manquant jamais de lucidité.
Christine Cerrada s’attache dans ce roman à décrire une quête spirituelle au travers d’interrogations existentielles, comme elles surviennent toujours à l’approche de la mort, portrait psychologique d’une femme qui sait que ses jours sont comptés et qui doit, outre ses propres angoisses, gérer celles de son entourage. Evoquant ses souvenirs Laure revivra ses bonheurs passés que ce soit avec son mari ou son fils enfant ; à moins que tentant de ranimer la mémoire de Paul, temporairement amnésique, elle n’inverse la donne puisque c’est elle, alors, qui assistera un ami dans la détresse, ce qui nous donne de bien belles scènes.
Là où l’on aurait pu tomber dans l’ennui poli, voire tourner en rond, l’auteure sait maintenir l’intérêt du lecteur en sortant Laure de son lit. Par une expédition en camping-car, emportant tout ce joli monde de Paris vers le Sud-Ouest où ils s’installeront tous dans une grande maison, voyage propice à nous faire croiser de nouveaux personnages, ou lors d’une escapade secrète et risquée avec fauteuil roulant, de Laure et Paul, seuls comme aux jours anciens de leur jeunesse, à Lourdes. Tout est bon quand la fin est proche pour en retarder l’issue, que ce soient les remèdes exotiques achetés par Louis, le recours à un guérisseur conseillé par le toubib du coin ou bien la grotte aux miraculés. Quand approchera le bout de la route, Laure, apaisée, pourra se réjouir, sa quête n’aura pas été vaine.
Le roman est bon, il est bon parce qu’il sonne toujours juste et c’est ce qui m’a le plus impressionné. Que ce soit l’expression des sentiments ou bien les petits détails a priori anodins mais qui vous campent un décor, une situation, Christine Cerrada sait capter l’intérêt du lecteur. Soit il s’agit d’une fiction totale et c’est magistralement bien rendu, soit et c’est mon sentiment, il y a une part autobiographique ou vécue de près et l’émotion n’en est que plus forte encore. Un bouquin qui aura sa place dans votre bibliothèque, au côté – d’une certaine manière - de celui de Christine Orban Le Pays de l’absence, dont il se rapproche par la gravité sans pleurnicheries, la délicatesse mêlées et une fausse homonymie.
« Je veux mourir tranquille. A trop penser, je risque de mettre en péril cet ultime challenge ! Le philosophe veut exercer un contrôle (total je suppose) sur ses pensées. Quelle prétention, parfaitement illusoire ! Ce n’est pas le contrôle des pensées qui permet d’en finir avant le terme normal. C’est le contrôle des émotions. »
Christine Cerrada Le Pays silencieux Michalon Editeur - 300 pages –
A paraitre le 28 août 2014
"A travers les peines et les joies / Nous avons marché, la main dans la main. / Maintenant, nous nous reposons tous deux / Dans le pays silencieux."
2 commentaires
Quel bel article ! J'ai très envie de découvrir ce livre...
Un excellent roman, bien meilleur que d’autres écrits par des écrivains plus célèbres…. Je vous le conseille fortement.
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