Antoine Bello : Eloge de la pièce manquante
22/08/2014
Antoine Bello, né en 1970 à Boston dans le Massachusetts est un écrivain et entrepreneur français, bénéficiant aussi par sa naissance d'un passeport américain et vivant à New York depuis 2002. Arrière-petit neveu de Marcel Aymé, Antoine Bello publie son premier livre, un recueil de nouvelles intitulé Les Funambules, en 1996. Deux ans plus tard, paraît Eloge de la pièce manquante, un roman policier.
Entre mars et septembre 1995, cinq meurtres endeuillent le circuit professionnel américain de puzzle de vitesse. Le rituel était le même, la victime qui avait succombé à une injection massive de penthotal était retrouvée amputée d'un membre, toujours différent. Sur son cadavre, l'assassin avait placé un cliché Polaroïd représentant le membre correspondant d'un autre homme.
Excepté ce résumé introductif pour ainsi dire banal pour un polar, rien ne le sera plus jamais dans ce bouquin extrêmement déroutant d’Antoine Bello. Il s’agit du premier roman de cet écrivain que je lis et je tombe de haut ! On nous le vend comme un polar mais à part l’indication de ces meurtres en début de lecture et la désignation du coupable et de son mobile dans le dernier chapitre, il n’y a pas d’enquête proprement dite, ni même de personnage central (policier ou autre) tentant d’en démêler les fils.
Tout le roman ou presque est constitué d’extraits de presse, de transcriptions d’interviews, de rapports, de documents de toutes sortes sur les origines du puzzle, la technique du jeu et son développement en compétitions. Tout est pure invention de l’auteur doté d’une imagination savante hors du commun, mais on jurerait que c’est du vrai, au point que longtemps j’ai pensé que cet ouvrage aurait plus eu sa place dans un Que sais-je ? que dans La Noire de Gallimard ! Certains passages m’ont ennuyé mais d’autres m’ont emballé comme ces transcriptions de commentaires radio d’une compétition de puzzle aussi vivants que s’il s’agissait d’un match de football acharné.
La forme originale du roman ne s’arrête pas là puisque son plan est basé sur un puzzle de quarante-huit pièces, ici des chapitres, présentés sans ordre chronologique. Antoine Bello manie l’humour au second degré, si ce n’est plus, pratique la mise en abyme (voir le superbe chapitre vingt-huit), utilise la métaphore « Le joueur et le détective avancent à pas comptés, assemblent peu à peu toutes les pièces d’un tableau dont le motif général leur échappe jusqu’au bout », bref, donne le tournis au lecteur.
Un roman qui m’a stupéfié par sa forme, tant il s’éloigne du polar tel qu’on l’entend, au point que désarçonné j’ai failli l’abandonner. Au final, je n’irai pas jusqu’à dire que je suis conquis mais il m’a assez intrigué pour j’aille jusqu’au bout. Indubitablement intéressant en tout cas, presque une expérience de lecture.
« Le livre se compose de quarante-huit pièces numérotées et indépendantes, qui toutes traitent à leur manière du thème de la pièce manquante. Certaines occupent deux lignes, la plus longue près de trente pages, toutes contribuent également à l’efficacité de l’ensemble. Tous les genres littéraires sont représentés : essais, nouvelles, chroniques, lettres, bribes de roman, journal. Deux pièces se répondent ou renvoient à une troisième que le lecteur découvre bien plus tard ; des personnages disparaissent soudainement puis resurgissent aussi soudainement deux cents pages plus loin. »
Antoine Bello Eloge de la pièce manquante Gallimard La Noire – 265 pages -
4 commentaires
J'ai une forte envie de le relire... Il est fort, ce Bello!
Ne connaissant que cet ouvrage de l’écrivain je réserve mon opinion. Ce roman m’a surpris et dérouté donc en ce sens je l’ai trouvé intéressant mais pour autant je ne l’ai pas inscrit au tableau de mes « Coups de cœur » de lectures. Il va falloir que j’explore sa production pour savoir ce qu’il vaut vraiment… à suivre ?
jamais lu cet auteur donc bonne pioche pour moi car il est sûrement dans ma médiathèque
Ce roman mérite d’être lu car il est trop original dans sa forme pour être ignoré. Par contre, celui qui le prendra innocemment dans le rayon « polars » de sa médiathèque sans en connaître la teneur, risque d’être déçu… ?
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