Tim Gautreaux : Nos disparus
07/09/2014
Timothy Martin Gautreaux, né en 1947 à Morgan City en Louisiane où il vit toujours, est le fils d'un capitaine de remorqueur. Professeur émérite d'anglais à la South Eastern Louisiana University, il est l'auteur d’un premier roman, Le Dernier Arbre en 2013, et de nouvelles publiées par The Atlantic Monthly, GQ, Harper's Magazine et The New Yorker. Son nouveau roman, Nos disparus, vient tout juste de paraître.
Sam Simoneaux, dont la famille a été massacrée quand il avait six mois, débarque en France avec l’armée américaine le jour de l’Armistice de la Grande Guerre. On l’envoie déminer les champs de bataille de l’Argonne durant quelques mois. Rentré à La Nouvelle-Orléans où il est devenu responsable d’étage aux grands magasins Krine, Sam ne peut empêcher l’enlèvement de Lily Weller, une gamine de trois ans. Licencié, sommé par les parents de retrouver leur enfant, il embarque comme troisième lieutenant à bord de l’Ambassador, bateau à aubes qui organise des excursions sur le Mississippi.
Sam est un garçon plutôt banal, élevé par son oncle dans le respect de la vie humaine, il n’aime pas la violence, d’un caractère doux et posé, emprunt de sagesse ou de bon sens, il mène sa vie comme il peut, c'est-à-dire comme un bouchon sur les flots, ce que l’écriture de Tim Gautreaux rend très bien, le ton est léger et la narration se déroule à un rythme de croisière (sic !), sans heurts. Pour autant, le récit ne manque pas d’aventures et de rebondissements, l’écrivain mariant, la vie à bord de ces bateaux montant ou redescendant le fleuve au son d’un orchestre de jazz, s’arrêtant de ville en ville pour faire le plein de clients, bouseux des campagnes prêts à s’alcooliser et s’étriper ou bien notables en goguette c’est selon, avec l’enquête de Sam qui s’étirera sur presqu’une année.
Le pauvre Sam devra jongler avec sa vie personnelle, marié, un enfant mort très jeune, un salaire de misère, le questionnement de ses collègues s’étonnant qu’il n’ait jamais eu l’idée de retrouver ceux qui avaient massacré ses parents, et la vie des autres, les parents de la petite fille enlevée musiciens sur l’Ambassador et les catastrophes dramatiques qui vont s’enchaîner, conséquences plus ou moins lointaines de l’enlèvement.
Tim Gautreaux, le plus simplement du monde, sans utiliser de grands mots ou concepts, aborde le problème de la vengeance, cette vendetta qui n’en finit jamais, et son inanité : « Et même si j’arrivais à me venger, tu peux être sur qu’il y en aurait un qui s’en tirerait, et avant deux ans, il débarquerait chez moi par une belle nuit pour nous attendre, tapi dans les broussailles, le couteau entre les dents. » Quand son enquête sur l’enlèvement et sa quête de vérité sur le massacre dont il a réchappé se rejoindront, Sam, incarnation de la bonté, saura prendre les décisions justes et sans lâcheté, dans le respect des valeurs qui lui ont été inculquées.
Un bon roman dont le plus grand attrait réside dans la tendresse profonde de l’auteur pour tous ses personnages, s’alliant à la perfection avec le rythme et le style de l’écriture. Aucune fausse note pour cette partition de jazz tirant plutôt vers le blues.
« Il sentit à sa posture qu’elle venait de prendre conscience que les gens disparaissaient soudain d’une façon qu’elle ne pouvait pas comprendre. Elle se mit à pleurer doucement, mais il devinait qu’elle aurait été incapable de dire ce qui la rendait triste. On lui avait expliqué que son père était parti au paradis, puis que sa mère était allé le rejoindre, et rien de tout cela n’avait vraiment de sens pour elle parce qu’elle vivait dans l’éternel présent de l’enfance où les divers mouvements de l’existence suffisent à vous occuper, et où passé et futur n’existent même pas. Il en était malade pour elle, mais pour lui-même aussi parce que la fragile petite épaule qu’il tenait dans sa paume aurait pu être celle de sa propre sœur ou de son propre frère, et il se sentit accablé par la conscience plus forte de la perte qu’il avait subie avant de savoir ce que le mot « perte » signifiait. »
Tim Gautreaux Nos disparus Seuil - 541 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville
4 commentaires
je n'ai pas accroché du tout au premier roman donc pour celui là je vais attendre de le trouver à la bibliothèque
Ceci dit j'ai aimé l'ambiance de son roman
Je ne connais pas son premier bouquin… Celui-ci est à ranger dans la catégorie des romans écrits dans un style « cool », tout en le lisant je pensais à l’écrivain de polars William G. Tapply, cette même nonchalance dans le ton et le rythme. En tout cas un bouquin qui se lit avec plaisir.
Un livre de cette rentrée qui j'aimerais beaucoup lire :) !!!
C'est un bon roman et donc un très bon choix de lecture, n'hésitez pas Léa !
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