Stefan Zweig : Le Chandelier enterré
02/01/2015
Stefan Zweig, né en 1881 à Vienne, en Autriche-Hongrie, et mort par suicide le 22 février 1942 à Petrópolis au Brésil, est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien. Stefan Zweig fit partie de la fine fleur de l'intelligentsia juive viennoise, avant de quitter son pays natal en 1934 en raison de la montée du nazisme. Réfugié à Londres, il y poursuit une œuvre de biographe (Joseph Fouché, Marie Antoinette, Marie Stuart) et surtout d'auteur de romans et nouvelles qui ont conservé leur attrait près d'un siècle plus tard (Amok, La Pitié dangereuse, La Confusion des sentiments).
Le Chandelier enterré, recueil de trois nouvelles, a été publié en 1937. La première, qui donne son titre à l’ouvrage, est basée sur une légende concernant le candélabre sacré à sept branches (la menorah) allumé en permanence dans le Temple de Jérusalem. Benjamin n’est encore qu’un enfant en l’an 455, quand le candélabre est volé par les Barbares. Ce qui permet à l’écrivain de poser la fameuse question : « Pourquoi Dieu nous traite-t-il avec tant de rigueur, nous, justement nous, qui le servons mieux que les autres ? »Toute sa vie sera consacrée à retrouver l’objet sacré et quand devenu vieux après un long périple de Rome à Byzance, il le retrouve, il lui faudra user d’un stratagème aux limites de sa foi religieuse pour le mettre à l’abri et le rendre à son peuple.
Rachel contre Dieu, le second texte, évoque le destin de la fille de Laban, la sœur cadette de Léa, seconde femme de Jacob, dans la Genèse. Par abnégation envers son père et son Dieu, Rachel donnera Jacob qu’elle aime depuis plusieurs années, en épousailles à sa sœur, afin que soit respectée la tradition voulant que la sœur aînée soit mariée la première. Ce qui nous vaut une diatribe assez gonflée de Rachel s’adressant à l’Eternel dans des propos musclés quand elle sera contrainte à laisser sa place à sa sœur, « Ne m’as-tu pas entendue, Dieu omniprésent, ne m’as-tu pas comprise, toi qui comprend tout, ou bien faut-il que je t’explique mes paroles (…) Ecoute donc, Dieu dur d’oreille… »
La troisième nouvelle, Virata, s’éloigne des légendes et traditions juives pour nous plonger dans celles venues des Indes. Lors d’une bataille pour sauver son roi, Virata tue son propre frère passé à l’ennemi. Pour récompense de sa bravoure, il devient dignitaire du royaume mais Virata n’aspire désormais qu’à une seule chose, devenir un homme juste et sage, « un seul souci occupe mon âme, celui de la justice, celui de vivre sur la terre loin du péché ». Lentement il régressera dans l’ordre social, abandonnant les honneurs et les charges puis finalement sa famille, pour devenir ermite, ne possédant rien et donc, ne pouvant nuire aux hommes. Mais rien n’est moins sûr comme il en fera l’amer constat…
Même si cet ouvrage n’est peut-être pas celui par lequel il faut commencer pour découvrir Stefan Zweig, il contient le ferment de l’obsession humaniste de cet « Européen dans l’âme, profondément marqué par la guerre de 14 et par l’irruption de la barbarie dans un monde de culture et de raffinement qui disparaît à jamais. » Inutile de préciser que la langue est belle et l’écriture riche et que le recueil en s’achevant avec Virata permet astucieusement de faire oublier, le trop plein de religiosité des deux premiers textes à ceux qui ne goûtent guère ce type de sujet, sans s’éloigner de l’aspect mystique général. Il n’en reste pas moins que ce livre est comme un baume pour nos âmes.
Stefan Zweig Le Chandelier enterré Grasset Les Cahiers Rouges – 246 pages –
Traduit de l’allemand par Alzir Hella
2 commentaires
Je soupire en me demandant pourquoi je ne m'enferme pas avec les oeuvres de Zweig une bonne fois! Je l'aime et le délaisse...
L’avantage avec les écrivains morts (si j’ose dire) c’est que les bons sont bien connus et leurs œuvres recensées et achevées ; l’inconvénient, c’est que sachant cela, on remet toujours à plus tard leur lecture en se disant que la quantité à lire n’augmentera pas. Tout le contraire des écrivains encore actifs, auxquels on fait crédit (parfois/souvent à tort) en supposant que leur nouveau bouquin est bon. Le fameux attrait de la nouveauté… Et si par-dessus le marché on est bloggeur, on a des scrupules à chroniquer de vieilles œuvres car on sait très bien, que très souvent, nos jeunes lecteurs décrochent… Pour conclure, je reste persuadé que je pourrais vivre le reste de mon âge avec tous les bons bouquins que je n’ai pas encore lus de ces illustres écrivains et que si je me cantonnais strictement à eux, je ne lirais que d’excellents romans !
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