James Salter : Un sport et un passe-temps
27/02/2015
James Salter, né en 1925 à New York sous le véritable nom de James A. Horowitz, est écrivain et scénariste. En 1945, il termine ses études d'ingénieur, sort cinquième de sa classe de la prestigieuse académie militaire de West Point et entre dans l'US Air Force comme pilote. James Salter participe à la guerre de Corée, puis il prend la décision d'entrer au Pentagone. Il est affecté en France et commence à écrire avant de démissionner de l’armée après la parution de son premier livre basé sur son expérience de pilote de chasse durant la guerre de Corée, The Hunters paru en 1956, et adapté au cinéma avec Robert Mitchum en 1958. Un sport et un passe-temps, qui date de 1967 est sorti chez nous en 1996.
En France dans la période de l’après-guerre. Un narrateur inconnu, relate la liaison de quelques mois entre son ami Philip Dean, étudiant américain, avec une jeune fille française, Anne-Marie Costallat. Dean et Anne-Marie sillonnent la France profonde, d’Autun aux bords de Loire, dans la belle bagnole de l’américain, logent dans des hôtels où ils bouffent et « baisent comme des haltérophiles », de ville en ville.
Quand le bouquin est sorti, à l’époque, il a fait son effet et on le comprend aisément quand on a vécu cette période, car il est fait de scènes de sexe – sans sensualité - clairement exposées où bite et couilles ne se cachent pas derrière des périphrases. On peut, certes, trouver un intérêt relatif à ce roman – ce que laisse entendre mon résumé volontairement provocant – mais ce serait pourtant aller un peu vite en besogne.
Si je ne trouve pas le roman franchement remarquable, je ne me sens pas en dire du mal pour autant. D’abord, il y a une écriture qui transcende tout, paraissant très simple de prime abord mais s’avérant très coulée et mélodieuse, terriblement addictive. Les dialogues très courts mais très nombreux, sonnent justes. Le récit, lui, paraît un peu éthéré, au gré des souvenirs réels ou reconstruits par le narrateur, voire délibérément inventés. On suit vaguement les tourtereaux dans leur périple provincial alternant route, table (l’auteur semble apprécier la cuisine française) et plumard : « Et on a mangé, je ne te dis pas. A table comme un vieux couple français, tu sais, assis rien qu’à manger. Et on a fait l’amour tous les soirs. » Dans une sorte de raccourci qui fera hurler certains, je dirais que ce roman m’a fait penser à du Henry Miller écrit par Françoise Sagan ! Le sexe et l’américanisme de l’un, la légèreté vagabonde trempée dans le modernisme de son époque, de l’autre.
Mais derrière la provocation sexuelle pour ce temps (mots crus et Anne-Marie, la femme, particulièrement active à la manœuvre) il y a une passion fougueuse dont on sait par avance, Dean le premier, qu’elle ne durera pas toujours. A l’insouciance apparente d’Anne-Marie, s’oppose les inquiétudes de Dean, l’argent qui manque et son avenir. Des scènes d’amour torride, émergent des instants de lucidité cruels générant une mélancolie touchante à laquelle se mêle un certain désenchantement de l’écrivain « Plus clairement on voit ce monde, plus on est obligé de faire comme s’il n’existait pas. » J’ajouterai que la fin du roman est très belle.
« Rien de ceci n’est vrai. J’ai dit Autun, mais ce pourrait tout aussi bien être Auxerre. Je suis sûr que vous vous en rendez compte. Je ne fais que consigner les détails qui m’ont pénétré, les fragments qui ont pu ouvrir ma chair. C’est l’histoire de choses qui n’ont jamais existé bien que le moindre doute à ce sujet, la plus petite possibilité, plonge tout dans le noir. Je veux seulement que toute personne à la lecture de ceci soit aussi résignée que je le suis. Il y a déjà suffisamment de passion dans le monde comme ça. Tout en frémit. Non que je pense que ça n’a pas de raison d’être, non, non, mais ce n’est jamais qu’une mince écharde réfléchissante qui trouve toujours le moyen de capturer la lumière. »
James Salter Un sport et un passe-temps Editions de l’Olivier – 256 pages –
Traduit de l’américain par Philippe Garnier
NB : J’ai l’habitude de recopier mes critiques de livres sur le site d’Amazon. Or, celle-ci, vient de m’être refusée par cette fameuse enseigne : « Merci d'avoir soumis un commentaire client sur Amazon. Votre commentaire n'a pas pu être posté sur le site web dans sa forme actuelle. Bien que nous appréciions votre effort et vos commentaires, les commentaires doivent suivre les directives suivantes : (…) Nous n'autorisons pas le contenu obscène ou grossier. Cela s'applique aussi aux produits pour adultes. » Sachant que je n’ai fait que répéter ce qu’écrit Salter dans son bouquin, je ne sais si je dois rire ou pleurer de la réaction d’Amazon…
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