Pierre Gascar : Le Présage
01/05/2015
Pierre Fournier, dit Pierre Gascar, (1916-1997), est un journaliste, critique littéraire, écrivain, essayiste et dialoguiste français (Les Yeux sans visage, le célèbre film de Georges Franju, lui doit l'essentiel de son scénario et ses dialogues). Après une enfance difficile et avoir été prisonnier en stalag pendant la Seconde Guerre mondiale, il devient journaliste à son retour au civil. Il se consacrera totalement à son œuvre à partir de 1953, date à laquelle il obtient le prix Goncourt pour Le Temps des morts. Publié pour la première fois en 1972, Le Présage vient d’être réédité.
Récit ou essai, cet ouvrage à but écologique avant l’heure nous avertissait déjà en son temps des problèmes auxquels notre planète se trouvait confrontée. De ses voyages aux quatre coins du monde, des steppes de Sibérie à la lagune de Venise, de l’Inde du nord de Bombay à la Thaïlande, du Jura à New York, Pierre Gascar se focalise sur les lichens qui à ses yeux ont valeur de symbole car ils « sont les premiers organismes vivants à disparaître par l’effet de la pollution de l’air. »
Si comme moi vous saviez peu de choses sur ce végétal formé de l’association d’un champignon et d’une algue vivant en symbiose, vous allez vite vous remettre à niveau grâce à cette lecture très instructive. Les lichens, selon les espèces, sont nourriture, médecine, alerte radioactive. Pour autant il ne s’agit pas d’un bouquin scientifique et rébarbatif, ce n’est pas l’angle adopté par l’auteur. L’écriture est très belle, à l’ancienne, cultivée mais abordable, avec des accents poétiques ou philosophiques.
Récit de voyages, enseignement scientifique, extrapolation littéraire avec le poète italien Camillo Sbarbaro (« Comment le poète, l’artiste, ne s’identifierait-il pas à ce végétal obscur et inutile, relié à la primitivité… »), poésie quand l’écrivain sait nous convaincre par ses descriptions de ces végétaux qu’il ne s’agit pas de cochonneries poussées sur les murs ou les troncs d’arbres, philosophie quand Pierre Gascar se demande si ces « espèces d’écailles (…) racornies » sont la preuve de « la mort du monde ou sa revivifiante mue. » Beaucoup de choses, dans bien peu de pages en quelque sorte.
« Les lichens supportent le froid, la raréfaction de l’oxygène (on les rencontre jusqu’à 6 000 mètres d’altitudes), la chaleur extrême, l’absence d’eau (ils revivent plusieurs mois après une dessiccation complète), mais meurent aujourd’hui dans le centre de Paris, de Londres, de New York, de Tokio et même de Venise où cependant des herbes, des arbres, sensibles, par contre, aux excès du climat, continuent tant bien que mal de pousser. En un mot, les lichens ne se montrent vulnérables qu’aux modifications anormales du milieu. Comment ne pas admirer la justesse, pour ne pas dire la sagesse, de cette réaction ? Comment ne pas applaudir à ce refus, ne pas y voir une leçon ? »
Pierre Gascar Le Présage Gallimard L’Imaginaire – 183 pages –
2 commentaires
Aïe, pas à la bibli!
Mais je regarde parfois les lichens, sur les trottoirs, ce sont eux, ces taches plus ou moins colorées...
La lecture de ce livre m‘a donné envie de m’intéresser à ces végétaux et l’idée m’est venue de les photographier. Leur gamme de couleurs peut donner des résultats esthétiquement réussis…. ? Ca va m’occuper durant les mois d’été !
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