Yukio Mishima : Neige de printemps
18/12/2015
Yukio Mishima de son vrai nom Kimitake Hiraoka est un écrivain japonais, né en 1925 qui s'est suicidé par seppuku le 25 novembre 1970. Il publia près de quarante romans, aussi bien des romans populaires qui paraissent dans la presse à grand tirage que des œuvres littéraires raffinées, mais aussi des essais, des nouvelles et des pièces de théâtre. Il a obtenu les trois grands prix littéraires du Japon. Neige de printemps, paru en 1968, est le premier volet d’une tétralogie (La mer de la fertilité) composée de Chevaux échappés, Le Temple de l’aube et L’Ange en décomposition.
L’action se déroule au Japon, quelques années après la fin de la guerre russo-japonaise (1904-1905), durant l’ère Meiji entamée en 1868 qui mit en œuvre de nombreuses réformes comme l’abolition du système de type féodal et l’ordre des samouraïs ou l’adoption de nombreuses institutions occidentales. Dans ce pays en pleine mutation, deux jeunes amants issus des milieux aristocratiques vont vivre un amour tragique. Lui, Kiyoaki Matsugae, appartient à l'aristocratie issue des récentes transformations politiques, alors qu’elle, Satoko Ayakura, vient d’une famille de la noblesse de Cour.
Toute la beauté du roman tient dans son écriture qui mêle des effets contradictoires. Une écriture très moderne dans le ton – peut-être dû au fait que le livre a été écrit en anglais – tout en étant de facture très classique avec une bonne restitution des ambiances romanesques du XIXème siècle. Nous avons ici tous les ingrédients du romantisme européen que nous connaissons bien, des amours qui devraient logiquement s’épanouir mais qu’un destin cruel va anéantir, associés à l’univers japonais faits d’images et de traditions ancestrales typiques, comme l’honneur, si cher à l’écrivain.
Roman d’amour, roman psychologique surtout, Mishima nous offre une belle étude de caractères : que ce soient les deux amants dans leur jeu de séduction fluctuant, que ce soit Honda le témoin et ami sincère de Kiyoaki, ou bien Tadeshina, la gouvernante rusée, sans parler des parents des deux adolescents, coincés dans leurs rôles régis par leur situation sociale, le lecteur se laisse séduire par cette belle histoire. Ajoutons-y des passages superbes de sensualité, avec ces lignes consacrées au premier baiser échangé, ou de beauté pure quand l’écrivain dresse les décors naturels dans lesquels baigne son roman, couleurs des feuillages à l’automne, des paysages…
Le roman s’achève sur un drame tout en entrouvrant une porte mystérieusement optimiste à ce point de la tétralogie, sur les volets suivants…
« … mais le moment viendra un jour – et ce jour n’est pas très éloigné. Et quand il arrivera – je puis vous le promettre dès cet instant, je ne reculerai pas. J’ai connu le bonheur suprême et je ne suis pas assez gourmande pour vouloir que ce que je possède dure éternellement. Tout rêve doit finir. Ne serait-ce pas folie, sachant que rien ne dure à jamais, de vouloir à toute force avoir le droit de faire exception ? Je n’ai rien de commun avec « la femme moderne ». Mais… s’il y avait une éternité, ce serait en cet instant. Peut-être que vous-même, monsieur Honda, un jour, vous serez amené à voir ainsi les choses. »
Yukio Mishima Neige de printemps Gallimard – 439 pages –
Traduit de l’anglais par Tanguy Kenec’Hdu
6 commentaires
C'est sympa ce blog qui ne suis pas l'actualité mais qui recherche des livres un peu oublié, je crois bien avoir lu celui-là , cela évoque de vague souvenirs. Le relire? pas sûr : j'ai souffert en littérature comparée à l'université avec les auteurs japonais, un souvenir laborieux et de mauvaises notes!
Comme vous l’avez remarqué, la « nouveauté » n’est absolument pas un critère de choix pour mes lectures, à l’exception de quelques écrivains que je suis de près. J’ai déjà dit ailleurs et je le maintiens, qu’il y a bien assez de bons livres déjà écrits, pour satisfaire une vie entière de lecteur, alors pourquoi perdre mon temps avec des nouveautés d’un niveau très faible… Quant aux écrivains japonais, si je ne les lis pas régulièrement, à chaque fois que je m’y intéresse, il est très rare que je sois déçu, Mishima, Tanizaki…
Merci pour ce billet qui confirme mon envie de retourner vers Mishima. Je le partage sur le groupe "Lire le monde" puisque Mishima fait partie des auteurs listés.
C’est le troisième roman de l’écrivain que je lis, trois bons romans, pourtant je ne pense jamais à lui quand je me cherche une lecture ! Seul le hasard me le fait croiser (brocantes ou vides-greniers…) Une attitude qui me désespère….
J'ai un faible pour les romans japonisant. Celui-ci a l'air très réussi, je tenterais bien l'expérience.
Moi aussi Lydie j’aime assez les romans japonais, même si je n’en lis pas régulièrement. Mishima reste une référence qu’il faut lire.
Les commentaires sont fermés.