Philippe Djian : Ma joie, ma douleur
09/03/2016
Billet psychanalytique, chronique douloureuse d’une déception jamais digérée, critique de défoulement, il y a de tout cela dans les lignes qui vont suivre. J’en avais gros sur la patate depuis tellement longtemps, il fallait que cela sorte, que je gueule ma rage et ma douleur à lire les inepties de Philippe Djian.
J’ai découvert Djian en 1984 avec son second roman Zone érogène, le premier (Bleu comme l’enfer) étant lui complètement passé inaperçu de tous l’année précédente. Mais tout a réellement débuté avec 37°2 le matin qui a cartonné, poussé au cul par l’adaptation cinématographique de Jean-Jacques Beineix en 1986 avec Béatrice Dalle et Jean-Hughes Anglade. La horde des fans dévots était en marche. C’est aussi là que c’est créé un malentendu dommageable.
Philippe Djian avec Antoine de Caunes ou Stephan Eicher, à moins que ce ne soit dans Rock’n Folk ; l’écrivain avec son blouson en cuir, ses goûts musicaux marqués rock, ses premiers livres comme un vent frais dans la littérature française et un vague parfum d’américanisme, me renvoyant à mon adolescence déjà envolée, il n’en fallait pas plus pour que je me fasse une opinion plus que favorable du bonhomme. Je me suis imaginé je ne sais quoi ? Que Philippe Djian nous pondrait chaque année un bouquin bien français mais où je retrouverais des sensations ou des images du niveau de celles que m’évoquaient tous ces bouquins provenant d’outre-Atlantique. Quelle erreur !
L’écrivain a une ambition affirmée depuis longtemps, travailler sur le style. Exclusivement. « Si vous voulez des histoires, lisez les journaux », je le cite de mémoire. A partir de ce postulat, deux clans se sont formés, obligatoirement.
Le premier se range derrière notre Philou et l’encourage. Je reconnais comprendre - en partie – l’idée motrice de Djian, travailler son écriture, son style, c’est tout à son honneur et ça ne manque pas de grandeur. Si j’étais écrivain, certainement que j’y trouverais un plaisir plus grand que d’inventer des histoires qui sont à la portée de tout le monde, pour ainsi dire. Manier la langue pour lui donner une musique, trouver le mot juste, malaxer le texte, tout écrivain véritable en passe par là ou n’est pas ! Qu’on aime ou pas ce style, là n’est pas la question. Philippe Djian possède un style.
Le second clan, dont je fais partie, ne peut pas se contenter de ce seul aspect du travail d’un romancier quelque qu’il soit. Pour deux raisons majeures. D’abord parce que le plaisir de la lecture n’est pas de même nature que celui de l’écriture. Un vrai bon livre, c’est la conjonction d’une belle écriture (là où l’auteur peut se régaler à pratiquer son art) et d’une histoire qui tient la route (là où le lecteur prend plaisir à être embarqué). N’importe quelle histoire peut faire l’affaire – nul besoin d’une imagination débordante – il « suffit » de savoir la traiter. Seconde raison, triviale certes, mais très réelle. Un livre est aussi un objet commercial, il est vendu dans des magasins à des gens qui doivent débourser leur argent et quoiqu’en pense les puristes ( ?) ou les écrivains ( ?), cet argument est loin d’être neutre. Quand j’achète un bouquin, je suis désolé de le dire ainsi, mais j’en veux pour mon pognon ! Avec « Filou » Djian je me sens arnaqué. J’ai le style coco mais je n’ai pas l’histoire.
Certains vont me dire, où est le problème, il suffit d’arrêter de le lire. Si c’était aussi simple, je n’aurais pas appelé ce billet « ma joie, ma douleur ». Ma douleur est d’avoir trop porté au pinacle ce type. J’ai lu tous ses romans et si j’ai commencé à tiquer dans les années 2000 avec les Doggy Bag, dont je n’ai lu que les deux premiers tomes car ça me tombait des mains, je suis incapable de m’interdire de le lire. Son dernier bouquin est mauvais mais je sais déjà que je lirai le prochain ainsi que celui d’après, etc. Un truc de fou qui me fait enrager mais contre lequel je ne peux lutter. Love & Hate.
Monsieur Philippe Djian, s’il vous plait, vous qui savez ce que le style veut dire et vous en tirez plutôt bien de ce côté-là, pourriez-vous faire un tout petit effort pour que vos histoires tiennent mieux debout, qu’elles soient un peu plus consistantes ? Puisque les histoires seraient du niveau des faits divers des journaux, selon vos dires, le Grand Ecrivain devrait être capable d’en pondre une bonne de temps en temps, non ? Est-ce trop demander ?
10 commentaires
"Doggy bag" m'est aussi tombé des mains... Et j'ai eu moins de courage que vous : j'ai abandonné au tome 1 ! Insipide !
Mais j'ai aimé "Impuretés", tant pour la forme que le fond.
D'accord avec vous, car enfin, il y a quand même des romans lisibles dans le tas !
De Djian, j'ai lu Bleu comme l'enfer, qui ne m'avait guère convaincu, et Assassins, qui était une vraie purge. Vingt après, je n'ai rien lu d'autre de lui.
Comme vous l’avez compris à lire mon billet, je ne suis pas un bon conseilleur sur l’œuvre de Djian, car trop partagé entre mon amour immodéré (et idiot) et ma déception encore plus grande devant son projet d’écriture… Il n’en reste pas moins qu’il a écrit plusieurs bons romans qui méritent qu’on s’y intéresse.
Je suis un peu comme vous et je comprends votre colère…
Mais bon, est-ce qu'on demande aux Rolling Stones de sortir un dernier super album, un "Exile on Main Street" des années 2000, hein ? Moi ça fait longtemps que j'achète machinalement le dernier Djian (tous les ans, c'est réglé comme une horloge) ou le dernier Stones (moins souvent) sans m'attendre à une grande et belle surprise...
La comparaison me va droit au cœur, puisque je suis aussi un grand fan des Stones, depuis quasiment la première heure, ce qui ne ma rajeunit pas ! Mais la comparaison s’arrête là car si effectivement (le fan n’étant pas encore sourd) les Stones n’ont plus rien fait de véritablement mémorable depuis le milieu des années 70, ça s’explique par l’usure, le manque de créativité etc., des critères extérieurs à la volonté des artistes, tandis que chez Philippe Djian il y a une volonté sciemment assumée de bâcler ses histoires ! Avouez que cela fait une sacrée différence ! D’où ma rancœur envers l’un et mon affectueuse déception envers les autres…
Bon, juste pour être teigne jusqu'au bout et contester - sur les Stones - ce que vous dites, pour le plaisir de l'échange : je trouve quand même que "Tatoo You" était un sacré bon album… Non ?
Là nous entrons dans une discussion d’un autre type qui n’a plus rien à voir avec la littérature et ce blog. Je n’ai rien contre, je la pratique régulièrement avec mes potes, à disséquer tel ou tel disque etc. J’adore cela…. Mais, pour conclure et faire simple, quand j’écris « les Stones n’ont plus rien fait de véritablement mémorable depuis le milieu des années 70 » je ne pense pas que ce puisse être contesté, leurs meilleurs albums resterons à jamais : Beggars Banquet (1968), Let It Bleed (1969), Sticky Fingers (1971) et Exile On Main Street (1972), durant cette période ils furent à leur zénith. Le reste, se sont des sursauts, car tant que la bête n’est pas morte… j’achète, j’écoute et j’attends l’impossible.
Je suis d'accord…
Et c'est d'autant plus cruel qu'en tant que grande fan de Bowie, je me faisais justement la même réflexion sur l'album "Scary Monsters" (1980). Après celui-ci, comment dire ? Il y a eu des chansons que j'ai aimées… Voilà.
Avec Djian, je pense que j'ai décroché un peu après "Echine". Enfin, décroché, non, j'ai continué à le lire, et même à aimer certains bouquins, mais ce n'était plus le même souffle…
Enfin bref, je ne vais pas encombrer votre blog plus longtemps avec ce qui ressemble à s'y méprendre à de la nostalgie !
C'est tout à fait celà, de la nostalgie. Beaucoup plus douloureux que d'avoir à affronter un mauvais roman ou un mauvais disque d'un artiste quelconque...
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