Théophile Gautier : La Mille et Deuxième Nuit
24/06/2016
Théophile Gautier (Tarbes 1811 – Neuilly 1872) est un poète, romancier, peintre et critique d'art. Partisan du romantisme, populaire par ses romans historiques (Capitaine Fracasse), il devient l’un des théoriciens de « l’art pour l’art » et l’un des maîtres de l’école parnassienne qui défendait cette thèse.
La collection Folio 2 euros répond parfaitement à son but, faire découvrir un écrivain pour un investissement minimum en temps et en argent. Ce petit recueil de nouvelles ne déroge donc pas à cette règle avec ces quatre textes : Laquelle des deux (1880), La Chaîne d’or (1837), La Mille et Deuxième Nuit (1842) et Le Chevalier double (1840).
Les quatre nouvelles ont toutes plusieurs points communs, il y est question d’amour et de dualité. Un homme aime deux sœurs ou plus précisément, leur présence conjointe et non l’une et l’autre ; un autre aime deux femmes successivement, tous en souffrent jusqu’à ce que ce trio amoureux ne forme plus qu’un seul ménage ; une fée prend la personnalité de deux femmes pour combler d’amour un homme simple ; un jeune seigneur est le jouet de deux êtres qui l’habitent, il devra se débarrasser de l’un d’eux pour obtenir les faveurs de sa bien aimée. Comme vous le constatez, nous pouvons rajouter un autre point commun, une touche de fantastique discret et je compléterai en dévoilant des fins heureuses à chaque fois.
Théophile Gautier place ses histoires dans des décors exotiques comme on les aimait à cette époque, la Grèce antique et l’Orient. La nouvelle donnant son titre au recueil est certainement la plus réussie pour son idée de départ, un écrivain Théophile Gautier lui-même ( ?) reçoit la visite de Schéhérazade venue lui demander son aide, elle ne sait plus quoi raconter au sultan pour qu’il lui épargne la vie, espérant que l’écrivain aura matière pour relayer son imagination devenue stérile !
Un petit bouquin très agréable à lire, riche en vocabulaire, mais qui demande un minimum d’effort au lecteur d’aujourd’hui : savoir se replacer dans le contexte du XIXe siècle pour ne pas se gausser de ces histoires d’amour désuètes et apprécier la belle écriture empesée d’alors, « il avait fermé les yeux de son corps pour mieux voir le rêve de son âme ».
« - Enchanté de vous voir, quoique la visite soit un peu fantastique ; mais qui me procure cet insigne honneur de recevoir chez moi, pauvre poète, la sultane Schéhérazade et sa sœur Dinarzade ? – A force de conter, je suis arrivée au bout de mon rouleau ; j’ai dit tout ce que je savais. J’ai épuisé le monde de la féérie ; les goules, les djinns, les magiciens et les magiciennes m’ont été d’un grand secours, mais tout s’use, même l’impossible ; le très glorieux sultan, ombre du padischah, lumière des lumières, lune et soleil de l’empire du Milieu, commence à bâiller terriblement et tourmente la poignée de son sabre ; ce matin j’ai raconté ma dernière histoire (…) je suis venue ici en toute hâte chercher un conte, une histoire, une nouvelle (…) – Votre sultan Schahriar, ma pauvre Schéhérazade, ressemble terriblement à notre public ; si nous cessons un jour de l’amuser, il ne nous coupe pas la tête, il nous oublie, ce qui n’est guère moins féroce. »
Théophile Gautier La Mille et Deuxième Nuit Folio2E – 99 pages –
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