Arthur Schnitzler : La Nouvelle rêvée
04/08/2016
Arthur Schnitzler (1862-1931) est un écrivain et médecin autrichien. Après avoir étudié la médecine et obtenu son doctorat en 1885, il travaille à l'hôpital général de Vienne, mais finit par abandonner la médecine pour se tourner vers l'écriture après le décès de son père (1893) qui s’y opposait. Arthur Schnitzler est l'auteur de pièces de théâtre, de nouvelles et de romans.
La Nouvelle rêvée, une nouvelle parue en 1929 a fait l'objet d'une adaptation cinématographique par Stanley Kubrick en 1999, Eyes Wide Shut, son dernier film, avec Tom Cruise et Nicole Kidman.
Vienne au début du XXème siècle. Fridolin est médecin, marié avec Albertine, ils ont une petite fille de six ans et forment un couple heureux. Un soir, appelé au chevet de l’un de ses patients il ne peut que constater le décès. C’est aussi le moment choisi par Marianne, la fille du défunt, pour avouer son amour au médecin. Troublé Fridolin s’éloigne dans la nuit, hésite mais ne consomme pas une jeune prostituée avant de tomber par hasard dans un café, sur un vieil ami perdu de vue depuis longtemps, devenu pianiste et qui va jouer tout à l’heure dans un endroit inconnu, lors d’une partie fine entre membres masqués d’une société secrète. Excité, Fridolin insiste pour suivre son ami qui pourtant le met en garde contre le danger encouru s’il est démasqué…
Un texte particulièrement intrigant car il mêle le mystère – réalité et rêve -, l’érotisme (discret pour notre époque actuelle) et la psychanalyse chère à Freud où le rêve est le refuge de la pulsion refoulée. D’un côté, Fridolin va vivre une nuit presque torride, avec Marianne et la prostituée qui étaient partantes mais qu’il ne touchera pas, puis lors de la soirée libertine quand il sera fortement attiré par une femme superbe et nue, qui elle se refusera et lui enjoindra de quitter les lieux au plus vite. Rentré au petit matin, sa femme à peine réveillée va lui raconter son rêve, non seulement elle faisait l’amour avec un officier danois – réellement croisé l’an passé quand ils étaient en villégiature – mais elle regardait sans peine son mari se faire torturer. Cet aveu d’assouvissement onirique d’un fantasme de son épouse rend fou de jalousie Fridolin. Le couple va-t-il résister à cet évènement ? Je vous laisse découvrir la suite…
Avec cette nouvelle, Schnitzler ouvre les portes à de multiples interprétations et les spécialistes ne se sont pas privés depuis sa parution comme vous vous en doutez. Creuser l’inconscient humain c’est s’aventurer dans un gouffre sans fond. Le texte est court évidemment, l’écriture irréprochable et le lecteur toujours en éveil (le seul dont on soit certain qu’il ne dorme pas !) à tenter de démêler le vrai du faux, le réel de l’inconscient, la réalité du rêve, fasciné par cette mise en lumière de caractères et de pensées qui normalement restent dans l’ombre protectrice de notre moi le plus secret.
« Et comme il continuait ainsi, tout en prenant sans le vouloir la direction de sa maison, il arriva à proximité de cette rue sombre et plutôt mal famée, où, moins de vingt-quatre heures auparavant, il avait suivi une créature perdue jusqu’à son logis misérable et pourtant chaleureux. Perdue, cette fille-là ? Et mal famée, cette rue, justement celle-là ? Comme nos habitudes paresseuses nous font nommer et juger les rues, les destins, les gens, parce que nous cédons toujours à la séduction des mots. Cette jeune fille n’était-elle pas au fond, de toutes celles que de curieux hasards lui avaient fait rencontrer la nuit passée, la plus gracieuse, pour ne pas dire la plus pure ? Il ressentait quelque émotion quand il songeait à elle. »
Arthur Schnitzler La Nouvelle rêvée Le Livre de Poche - 190 pages –
Traduit par Philippe Forget
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