Donald Ray Pollock : Une mort qui en vaut la peine
27/09/2016
Donald Ray Pollock, né en 1954 à Knockemstiff (Ohio) est un écrivain américain. Après avoir travaillé dans une usine de pâte à papier pendant 32 ans en tant qu'ouvrier et conducteur de camions, à 50 ans, il s'inscrit à des cours d'écriture créative à l'Université d'État de l'Ohio. Voici son nouveau roman Une mort qui en vaut la peine.
En 1917, quelque part entre Géorgie et Alabama. Après le décès de leur père Pearl, les trois frères Jewett, Cane l’aîné et le cerveau, Cob le cadet simple d’esprit et Chimney l’avorton insoumis, décident de se lancer dans l’attaque de banques pour se sortir de la misère et la faim. De leur côté, au sud de l’Ohio, Ellsworth Fiddler et sa femme Eula ne peuvent que constater la disparition de leur jeune fils parti s’engager dans l’armée.
Depuis la parution en 2012 du premier roman de Pollock, Le Diable tout le temps, qui avait frappé les esprits, j’attends beaucoup de cet écrivain. Trop certainement, car ce troisième ouvrage est franchement décevant.
D’un côté nous suivons les aventures du gang Jewett, genre Dalton ou Pieds Nickelés selon vos références, d’un autre celle des Fiddler et entre chaque, nous croisons une foule de personnages secondaires ou moins encore, en un long défilé de micro-évènements, joliment torchés il est vrai, mais qui ne font pas avancer l’histoire. Ces longues digressions cassent toute dynamique : les personnages secondaires n’intéressent que moyennement puisque leur rôle les confine aux abords de l’intrigue, quant à celle-ci, diluée dans tant de pistes qui ne mènent nulle part et d’un niveau assez moyen, elle peine à retenir l’attention. Après deux cents pages, j’ai décroché pour passer en mode lecture automatique.
Je ne comprends pas comment un tel livre est possible ? Une concertation constructive entre l’éditeur et l’écrivain aurait dû mettre en évidence les faiblesses majeures de sa construction et inciter à un remaniement. Car tout n’est pas mauvais bien sûr, une ou deux belles scènes (le ver solitaire), les croquis des personnages sont très bons (désopilant le « problème » de Jasper). Mais cet empilage de silhouettes finit par nuire à l’ensemble et le bouquin se traine sur plus de cinq cents pages… en un mortel ennui.
« Tandis qu’il était assis, seul, auprès de la dépouille dans la pénombre transpercée par la lueur tremblotante d’une bougie, Pearl remarqua que le bout de sa langue pointait entre ses lèvres. Alors qu’il se penchait au-dessus d’elle pour la remettre en place, il nota un imperceptible mouvement. Mon Dieu ! songea-t-il, le cœur s’emballant soudain, se pourrait-il qu’elle soit encore vivante ? « Seigneur Jésus », commença-t-il à psalmodier juste avant qu’un ver solitaire, pas plus large que l’annulaire et pas plus épais que quelques feuilles de papier, ne s’avance de plusieurs centimètres hors de la bouche de sa femme. »
Donald Ray Pollock Une Mort qui en vaut la peine Albin Michel – 563 pages – (parution prévue le 3 octobre 2016)
Traduit de l’américain par Bruno Boudard
4 commentaires
Tous les goûts sont dans la nature,j'en conviens puisque moi,crétinement certainement, j'ai adoré le bouquin.
Par contre ce que je n'arrive pas à comprendre c'est l'intérêt d' écrire sur un roman avant sa sortie pour le dézinguer.J'avoue ne pas comprendre et être incapable de le faire préférant m'abstenir sachant que ce que je pense n'est jamais la science infuse.
Après les bloggeurs écrivent pour de multiples raisons et se défouler sur un livre qui connaîtra,je n'en doute pas,un franc succès, n'est pas très grave.
Bonne continuation.
Bonjour,
Je passe sur votre ton trop vindicatif à mon goût (Comme si je vous avais attaqué personnellement, à croire que vous avez des intérêts chez l’éditeur ?), pour ne m’attacher qu’à l’essentiel.
Chez les blogueurs et chroniqueurs professionnels, il y a un aspect des choses que tous font semblant d’ignorer, c’est que les livres ne sont pas donnés mais vendus ! Or, tout le monde, moi le premier, n’a pas les moyens de se payer tous les romans qu’il voudrait lire.
Ne pas parler des mauvais livres qu’on a lu, c’est faire croire à ceux qui ne les ont pas lus qu’ils pourraient être bons : un crédit que je n’accorde pas ! Je tiens ce blog, non pas pour faire la causette ou répéter comme un perroquet ce que tous les autres racontent chez eux, mais pour aider les gens à faire un choix dans la masse des livres à leur disposition. Je sais très bien que mon avis n’a que la valeur qu’on veut lui donner mais j’en pense autant des professionnels que je lis dans les magazines spécialisés…
Que ce roman ait un franc succès, tant mieux pour lui, ce n’est pas mon affaire, je m’en fiche ! Par contre, je veux que ceux qui l’achètent, sachent que tout le monde ne l’a pas aimé et qu’il serait souhaitable pour eux d’y réfléchir avant de se ruer dessus.
Enfin, permettez que je m'étonne de votre raisonnement : n'ayant pas la science infuse, vous vous refusez à dire du mal d'un roman, mais ça ne vous gêne pas d'en dire du bien ! Bizarre non ?
A défaut de vous avoir convaincu, j’espère vous avoir fait comprendre ma démarche qu’on peut qualifier de militante.
Cordialement.
Aïe, c'est le problème avec les auteurs dont on a adoré les romans. J'avais par exemple adoré Les Visages de Jesse Kellerman et tout ce qu'il a écrit après m'a beaucoup déçue.
Et ma déception étant à la hauteur de mes espérances…. J’enrage !
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