Aki Shimazaki : Tonbo
10/01/2017
Aki Shimazaki est une écrivaine québécoise, née en 1954 à Gifu au Japon. Immigrée au Canada en 1981 elle vit à Montréal depuis 1991. Elle a d'abord travaillé au Japon pendant cinq ans comme enseignante d'une école maternelle et a également donné des leçons de grammaire anglaise dans une école du soir. A partir de 1991, elle s'installe à Montréal où, en plus de son activité littéraire, elle enseigne le japonais. Ce n'est qu'en 1995, à l'âge de 40 ans, qu'elle commence à apprendre le français tant par elle-même que dans une école de langue.
Une quinzaine de romans à son actif à ce jour, Tonbo, paru en 2010, est le troisième volet (sur cinq) du cycle Au cœur du Yamato, mais peut se lire indépendamment.
Nobu, le narrateur, a fondé en 1981 un établissement de cours privés spécialisé dans la préparation aux examens. Six ans plus tard, la visite inattendue d’un homme réveille en Nobu le souvenir du suicide de son père, enseignant lui aussi, qui fût injustement accusé d’avoir provoqué la mort d’un élève rebelle.
Quel charmant petit roman que celui-ci ! Petit format, pagination réduite, tout est petit et humble dans ce livre mais entendez-le comme un compliment. De quoi parle-t-il ? De pas grand-chose, d’un point de vue strictement narratif, mais pourtant il aborde des sujets graves pour ne pas dire dramatiques. Il y est question de suicides de pères laissant familles et enfants désemparés et inconsciemment traumatisés, de l’identité japonaise mais aussi de la notion d’agresseur et de victime, « un thème récurrent de la littérature russe est la relation entre le tourmenteur et sa victime. » Tout cela traité « à la japonaise », c'est-à-dire avec beaucoup de pudeur et de retenue, de non-dits immédiats qui font que le texte monte doucement en une sorte de mystère ou de suspense intrigant. Par contre, la minceur de l’ouvrage interdit tout développement poussé.
Une nouvelle fois le lecteur occidental constate, avec curiosité et intérêt, la différence de mentalité entre son univers et celui du Pays du Soleil Levant. L’écriture semble très simple, les phrases faites de peu de mots, mais pourtant on en apprend beaucoup, dans un autre registre on parlerait de « fausse maigre ». Le plus remarquable, c’est le rythme, comme un film en très léger ralenti, presque imperceptible mais suffisant pour créer une sensation d’apaisement et de douce mélancolie.
Seul petit reproche – mais c’est à moi que je l’adresse – mon inculture m’a très certainement interdit de goûter à la perfection, la subtilité induite entre les noms et les idéogrammes chinois qui permettent de multiples interprétations des mots, expliquées par Aki Shimazaki dans son texte mais qui ne restent ici, pour moi, que de la poésie un peu vague. Par exemple, Tonbo peut être interprété comme le nom d’une variété de libellules ou un ancien nom désignant le Japon…
Un très joli roman.
« Je désire que mes enfants soient éduqués et instruits au Japon, au moins jusqu’à la fin du lycée. Je ne voudrais pas qu’ils habitent à l’étranger avant de connaître leur propre culture, nos traditions, notre histoire. Ils ne seraient pas Japonais s’ils ne savaient pas nos chansons merveilleuses, ne connaissaient pas notre littérature unique, n’avait pas expérimenté l’opulence de notre nature avec ses quatre saisons bien démarquées. Pour moi, c’est une question d’identité et de racines. »
Aki Shimazaki Tonbo Leméac/Actes Sud – 133 pages –
2 commentaires
J'avais beaucoup aimé Le poids des secrets (cinq volumes, fins) et avait catalogué l'auteur comme japonaise. Tant pis, elle y restera.
Je la croyais aussi japonaise mais je me suis étonné en constatant que le livre ne faisait pas mention de traduction. D’où une recherche rapide qui m’a tout expliqué.
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