Florence Medina : La Lune avait bu
22/01/2017
Florence Medina, née en 1968, vit à Paris où elle exerce le métier d'interprète en langue des signes française. Elle envisage d’être écrivain et a déjà publié une nouvelle, Le Fossoyeur Optimiste, dans le recueil collectif « Marions-les ! », paru chez Terre de Brume. Aujourd’hui voici son premier roman (une novella), La Lune avait bu.
Balthazar, le héros de ce livre, est un gros garçon solitaire et introverti qui consacre sa vie à la bonne bouffe en se cuisinant de délicieux petits plats. Pas un goinfre mais un gourmet. Exposé par inadvertance aux effets de la lune rousse, Balthazar va vivre une expérience peu commune : l’astre nocturne s’adresse à lui pour l’enjoindre de se dégotter une petite amie avant trois mois sinon il sera métamorphosé en pou !
Je n’entre pas dans les détails des péripéties que les lecteurs découvriront par eux-mêmes, nous sommes dans le domaine du conte ce qui autorise toutes les fantaisies narratives au milieu desquelles pointent des réflexions sur la malbouffe et les régimes ou sur la vie de couple. Et comme le plus souvent dans ce genre littéraire, un happy end clôt cette gentille historiette.
Le roman se lit facilement car le rythme ne mollit pas. La langue est très correctement maniée, un atout non négligeable quand on s’attaque au bouquin d’un jeune auteur, croyez-en mon expérience. On y lit même quelques délicieuses trouvailles de vocabulaire, « Après avoir sauvagement ratruché le pot de pâte à tartiner à grands coups de marysette… ». Le texte cache ou non, des références littéraires et cinématographiques, de petites astuces et jeux de mots sympathiques (« la confusion des condiments ») mais il n’évite pas vraiment l’écueil des premiers romans, à savoir des enchainements narratifs parfois maladroits ou du moins pas assez réussis pour que l’on puisse préjuger de l’avenir en tant qu’écrivain de Florence Medina. Si j’osais cette comparaison – pour rester dans le thème du roman – nous sommes en présence d’un Saint-Môret, c’est frais et pas désagréable du tout mais pas suffisamment fait pour le véritable amateur de fromage.
Un court premier roman dont l’auteur n’a pas à rougir mais il faudra encore beaucoup travailler avant d’espérer pouvoir entrer dans la cour des grands. Je lui fais confiance, c’est certainement possible.
« Il côtoyait ses semblables, par la force des choses, sans souffrance excessive mais sans plaisir aucun, et si les relations avec les autres n’étaient pas le fort de Balthazar, l’amour était encore bien au-delà, une espèce de terra incognita à l’atmosphère possiblement délétère dont il se tenait résolument éloigné. Ainsi, il ne connaissait rien à l’amour, ou si, il en connaissait l’essentiel : ce que tout un chacun pouvait en percevoir au travers des faits divers et des cloisons indigentes qui le séparaient de ses voisins. Et cela lui semblait bien suffisant. Cela n’avait pas spécialement l’air de valoir le détour, l’amour, et encore moins cette invention saugrenue, le couple. On était si bien seul à s’adonner à ses passions, à ses petites manies, à ses penchants. Pourquoi s’encombrer des désirs contraires d’une espèce d’autre ? Quelle était cette marotte incongrue ? »
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