Leonardo Padura : Vents de carême
24/02/2017
Leonardo Padura Fuentes, né en 1955 à La Havane (Cuba), et licencié en philologie, est auteur de romans policiers, scénariste, journaliste et critique littéraire, auteur d’essais et de livres de contes. Il amorce sa carrière de romancier en 1991 et devient l'auteur d'une série de romans policiers ayant pour héros le lieutenant-enquêteur Mario Conde. Vents de carême, date de 1994 mais n’a été traduit chez nous que dix ans plus tard.
1989 à La Havane. Une jeune enseignante, appréciée de ses élèves comme de son directeur de lycée, a été assassinée. Mario Conde est chargé de l’enquête et en parallèle il gère un coup de foudre pour une ravissante joueuse de saxophone amateur de jazz tout comme lui.
Second roman de Leonardo Padura que je lis et je suis définitivement convaincu de son talent d’écrivain. Je dis bien d’écrivain et non d’auteur de polars, car si je ne m’en tenais qu’à l’intrigue policière il n’y aurait pas de quoi casser quatre pattes à un canard (d’autant que cette pauvre bête n’y serait pour rien) : une jeune prof moins oie blanche qu’on ne le croit, des élèves et un directeur d’établissement qui cachent des choses, de la marijuana qui circule… Non, la vérité est ailleurs.
Il s’agit d’un roman très littéraire, ce qui nous évite la construction traditionnelle des polars qui tous, même ceux écrits par les cadors du genre, respectent des codes et des conventions nécessaires à la montée en intensité de leur dramaturgie. Ici, l’enquête étant secondaire, l’écrivain se consacre plus à son héros, Le Conde, qui va replonger dans l’ambiance du lycée qu’il fréquenta jadis avec les amis qu’il fréquente toujours. Discussions entre vieux potes autour d’un frichti revigorant (dont l’auteur donne la recette) arrosé de rhum ou autres alcools. Les uns et les autres voient leur vie défiler, rêves d’hier, réalité d’aujourd’hui, « jamais je n’ai pu faire ce que j’avais envie de faire, parce qu’il y avait toujours ce qu’il était correct de faire, et je l’ai fait : étudier, me marier, être un bon fils et maintenant un bon père… »
Littérature qu’on retrouve aussi dans le texte proprement dit puisque Mario Conde qui se voulait écrivain jadis, n’est pas avare de références livresques, cassant sévèrement au passage quelques collègues cubains comme Senel Paz, Miguel Mejides, Arturo Arango… qui tous m’étaient inconnus, je l’avoue, et dont j’ai du vérifier l’authenticité.
Amitié nous l’avons vu ; amour des livres et de l’écriture mais aussi amour physique – voire érotisme torride - quand super Mario tombera amoureux, Leonardo Padura s’évitant les circonvolutions pour appeler un chat un chat. Nostalgie ou mélancolie pour envelopper le tout dans un léger voile tissé de toutes ces émotions qui touchent le cœur des hommes. Un excellent roman qui m’a incité à ralentir ma lecture pour en profiter le plus longtemps possible.
« Les nuits d’un policier sont des eaux troubles, aux odeurs putrides et aux couleurs mortes. Dormir !… Rêver peut-être ! Et j’ai appris une seule façon de les vaincre, ces nuits : l’inconscience, qui est un peu une mort de chaque jour et la mort même chaque matin, quand la soi-disant joie de l’éclat du soleil est une torture dans les yeux. Horreur du passé, peur du futur : ainsi filent vers le jour les nuits du policier. (…) C’est pour cela que la solitude du policier est la plus redoutable des solitudes : c’est la compagnie des fantômes, de ses douleurs, de ses fautes… »
Leonardo Padura Vents de carême Editions Métailié – 231 pages –
Traduit de l’espagnol (Cuba) par François Gaudry
3 commentaires
Oui, l'essentiel n'est pas dans l'enquête, mais dans une belle ambiance, les potes, tout ça, la nostalgie...
L’ambiance et beaucoup l’écriture…
Un jour vous attaquerez ses pavés...
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