William McIlvanney : Laidlaw
23/01/2018
William McIlvanney (1936-2015), est un poète et un écrivain écossais, auteur de romans policiers. Fils d'un mineur qui l'encourage à recevoir une éducation de haut niveau dont il a toujours regretté de ne pas avoir lui-même bénéficié. Après des études supérieures à l'Université de Glasgow, il devient en 1960 directeur des études d'un établissement scolaire de la petite ville écossaise d'Irvine. En 1970, il est professeur d'anglais à l'Université de Grenoble et en Ecosse, puis enseigne la création littéraire en 1972. Il choisit de se consacrer à temps plein à l'écriture en 1975. Paru en 1977, Laidlaw est le premier de quatre polars dont l’inspecteur Laidlaw est le héros.
Glasgow, Ecosse. Une jeune fille de dix-sept ans est assassinée. L’inspecteur Laidlaw mène l’enquête mais il n’est pas le seul à vouloir retrouver l’assassin, le père de la victime veut appliquer sa loi et des truands locaux, pour des raisons qui leur sont propres tiennent aussi à faire leur ménage…
Un polar qui semble anodin au vu de son résumé mais qui s’avère beaucoup plus subtile quand on le lit attentivement (mais qui lit autrement ?). Si tous les attributs du polar sont réunis ici, le talent de l’écrivain parvient à en faire autre chose qu’un banal roman policier.
Par exemple, l’enquête menée par Laidlaw : au lieu de partir du centre du cercle (le cadavre) pour remonter vers la circonférence (proches et moins proches de la victime) fait le chemin inverse. Nous découvrons les personnages secondaires ou ceux qui le sont moins, en premier, la narration ignorant complètement le tueur (juste identifié dès les premières pages) et le motif du crime ne sera dévoilé qu’en toute fin du roman. Quant à Laidlaw, si par convention du genre, il se trimballe une personnalité trouble (« il ressentit sa nature comme un paradoxe à la dérive ») hantée par le doute, McIlvanney parvient à nous le rendre très attachant, sans en faire un inspecteur de roman classique. Ici, tout est comme dans les polars habituels, sauf que rien n’est vraiment pareil, ce qui en fait un roman assez original.
Le bouquin est vraiment bien écrit, littéraire en somme et le polar est à classer dans la catégorie « psychologiques ». L’écrivain tente de démonter les caractères des uns et des autres mais avec la grosse dose de doute caractérisant son inspecteur, ce qui en fait une fable sur le monde, « Vous savez ce qu’est l’horreur de ce genre de crime ? C’est l’impôt que nous payons pour l’irréalité dans laquelle nous avons choisi de vivre. C’est la peur de nous-mêmes. »
Pour conclure mais ne rien dire de l’intrigue, sachez néanmoins qu’il est aussi question d’homosexualité et de religion (protestants/catholiques) sans étalage mais avec le tact de William McIlvanney.
Un très beau et bon roman.
« Ce regard, c’était vingt ans de mariage et ce qu’il contenait était bien plus compliqué que toutes les combines des services secrets. Il n’était plus question d’une fille morte ni de la police. Il était question d’autres morts. Il s’agissait de tout ce qu’une femme n’avait pu retirer d’une relation, et de la dignité qu’elle avait préservée en dépit de cela, il s’agissait de tout ce qu’un homme avait caché des promesses dont il ignorait probablement comment il avait pu les faire. Il s’agissait d’un orgueil préservé et d’orgueil perdu. »
William McIlvanney Laidlaw Rivages/Noir - 314 pages –
Traduit de l’anglais par Jan Dusay
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