Larry Brown : Sale boulot
26/02/2018
Larry Brown, né en 1951 à Oxford dans le Mississippi et décédé en 2004 d'une crise cardiaque, est un écrivain américain. Après avoir servi dans l'US Marine et exercé de multiples petits boulots, bûcheron, charpentier, peintre, etc. il fut pompier pendant seize ans. Après qu’un éditeur remarque un jour une de ses nouvelles dans un magazine, en quelques années Larry Brown est reconnu comme un grand romancier par la critique comme par les lecteurs et il récolte de nombreux prix. Son œuvre compte six romans, deux recueils de nouvelles, une autobiographie et un essai. Sale boulot, son premier roman datant de 1989, vient d’être réédité.
Unité de lieu : une salle dans un hôpital militaire du Mississipi. Unité de temps : une nuit. Après deux jours de coma, Walter James, un homme blanc, se réveille dans une salle d’hôpital. Dans le lit proche, Braiden Chaney, un homme noir. Le premier a eu la gueule arrachée par une roquette durant la guerre du Vietnam et depuis il est sujet à de fréquents malaises, le second a lui aussi morflé à la guerre, il n’a plus ni bras, ni jambes et végète dans ce plumard depuis vingt-deux ans !
Cette longue nuit va rapprocher les deux hommes et les marquer pour toujours. Lentement, l’un et l’autre vont en venir à se raconter leurs vies, leurs souffrances et leurs espoirs. Un long dialogue coupé de pauses de sommeil, Braiden rêve d’Afrique tandis que Walter songe à Beth, une jeune fille mutilée qu’il aime car elle seule a été capable de le voir tel qu’il est et non comme un monstre. Régulièrement, Diva, l’infirmière vient les voir et leur offre en douce, bières fraiches et joints.
Le roman est court et plus le lecteur avance dans sa lecture, plus il est pétrifié par l’intensité dramatique qui suinte entre les lignes. Chacun des deux hommes a beaucoup souffert dans le passé, que ce soit dans la vie civile ou durant la guerre, à cette émotion montant crescendo Larry Brown ajoute une dose de suspense, pour quelle raison exactement Walter a-t-il atterri dans cet hôpital ?
Le roman s’achève sur un coup de théâtre dramatique d’une grande intensité, magnifié par une écriture sobre et économe en coups d’éclat. La puissance à l’état brut, du très grand art pour ce bouquin que vous ne devez pas rater !
« Une fois qu’ils lui ont fait cette piquouze, c’était fini. Je l’avais trop saoulé avec mes histoires. J’aurais dû comprendre qu’il était stressé. Je pouvais même plus lui parler, du coup. Je pouvais rien faire d’autre que le regarder. Quand on te prend tes bras et tes jambes tu peux plus rien faire. C’est pas une existence pour un homme. J’ai remarqué qu’il disait jamais nègre. Je pense pas que c’était son vocabulaire. Il a même pas dit espèce d’enfoiré de Noir. Juste espèce d’enfoiré. Ce qui m’a fait penser que c’était un mec très bien. Je lui avais dit que je préfèrerais être mort. Donc c’était pas vraiment inattendu. J’avais juste essayé de lui en dire trop d’un coup. »
Larry Brown Sale boulot Gallmeister Totem – 203 pages –
Traduit de l’américain par Francis Kerline
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