Russel Banks : Un membre permanent de la famille
12/04/2018
Russell Banks, né en 1940 à Newton, dans le Massachusetts, est un écrivain américain. Après des études à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, il voyage, passe même quelque temps en Jamaïque. Il a écrit des romans, des nouvelles et de la poésie. Il enseigne actuellement la littérature contemporaine à Princeton. Depuis 1998, il est membre de l’Académie américaine des arts et des lettres. Très actif politiquement, il est le président fondateur d’une fondation qui s'est donné pour mission d'établir aux Etats-Unis des lieux d'asile pour des écrivains menacés ou en exil. Un membre permanent de la famille, recueil de douze nouvelles, date de 2015.
Russel Banks est doué pour écrire de courtes histoires qui prennent instantanément le lecteur. Une écriture simple, sans chichis, qui va directement au but, vous plongeant immédiatement au cœur du récit. Toutes ces nouvelles mettent en scène des gens ordinaires dans leur vie de tous les jours et sans parler de fil rouge, on remarque qu’il s’agit très souvent de divorcé(e)s, de personnages ayant vécu ou traversé des épreuves, se coltinant avec la vie comme ils le peuvent. Outre le talent narratif, l’écrivain sait nous rendre sympathiques ses héros ou du moins solliciter notre compréhension : comment en vouloir à ce retraité de braquer des banques pour arrondir sa petite pension ? (Ancien marine), pourquoi critiquer cette veuve qui malgré son amour pour le défunt, se sent revivre et comme libérée désormais ? (Oiseaux des neige).
Banks ne manque pas d’imagination non plus, chaque nouvelle est une surprise pleine d’invention : ce greffé du cœur à qui la femme du donneur demande à pouvoir écouter battre l’organe de son défunt mari (Transplantation) ou bien cette extravagance (Blue), une femme voulant acheter une voiture d’occasion se retrouve enfermée pour la nuit chez un concessionnaire, à la merci d’un pitbull menaçant. Sujets divers, personnages qui le sont tout autant, on ne s’ennuie pas une seule seconde avec ce bouquin.
Russel Banks ne cherche pas à moraliser ou dispenser un message (encore qu’il offre une réflexion intéressante sur la renommée dans Big Dog), il ne fait que croquer de petits univers tout ce qu’il y a de plus communs d’une Amérique très middle class.
« Ed se releva. Il avait soixante-douze ans ; les choses simples étaient devenues très difficiles en très peu de temps : se redresser, s’asseoir, sortir du lit, conduire pendant plus de quatre ou cinq heures. Quand ils étaient partis de chez eux un an plus tôt, rien de cela n’était encore difficile pour lui. C’était la raison pour laquelle il avait décidé de partir – la raison pour laquelle ils l’avaient décidé tous les deux -, car bien qu’alors aucune des choses simples n’ait été particulièrement difficile pour eux, ils étaient assez vieux pour savoir que tout ce qu’ils ne feraient ou ne verraient pas maintenant, ils ne le feraient ni ne le verraient jamais. Cette idée avait aussi été celle d’Alice, pas seulement d’Ed – le romantisme de la route sans fin, voir l’Amérique et mourir… » [Les Outer Banks]
Russel Banks Un membre permanent de la famille Actes Sud – 239 pages –
Traduit de l’américain par Pierre Furlan
2 commentaires
j'ai adoré ce recueil. Il a un grand talent cet écrivain. Pour moi, si l'ancien Marines braque des banques , c'est surtout pour rester le père qui peut tout aux yeux de ses enfants plus que pour arrondir ses fins de mois. Je l'ai trouvé très émouvant. J'ai été séduite par Blue, il y a un suspens très fort dans cette nouvelle.
Votre interprétation de cette nouvelle est plus belle et plus poétique que la mienne ; elle contient une bonne part de vérité mais je pense néanmoins que nos deux versions cohabitent dans les motifs poussant ce vieil homme à agir ainsi…
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