Lawrence Millman : Jesse le héros
30/05/2018
Lawrence Millman, né en 1948 à Kansas City dans le Missouri, est un auteur de récits de voyages, écrivain et mycologue américain, résidant actuellement à Cambridge (Massachusetts). Titulaire d'un doctorat en littérature de l'Université Rutgers, il a mené à bien plus de 30 voyages dans l'Arctique et les régions subarctiques. Il a découvert un lac inconnu à Bornéo, et une montagne porte son nom dans le Groenland oriental. Pourtant, ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est un roman sans aucun rapport avec ses activités scientifiques, Jesse le héros, un bouquin datant de 1982 mais qui vient tout juste d’être traduit et de paraître chez nous.
New Hampshire en 1968. Jesse, un jeune adolescent vit seul avec son vieux père, la mère n’est plus là depuis longtemps et le frère ainé, Jeff, combat au Vietnam. Jesse a un méga problème, simplet ou attardé mental comme vous voudrez, il est dangereux, d’ailleurs il vient tout juste de violer une gamine. La communauté de leur petite ville le souhaiterait enfermé dans l’institut spécialisé de Concord mais son père croit aveuglément pouvoir le sauver. Et puis demain, Jeff démobilisé, va revenir vivre avec eux. Ce qui met en transes le cadet qui vous un culte absolu à son frère, mais l’avenir proche qui s’annonçait rose va déraper et tourner au noir le plus sombre…
Jesse est dangereux c’est certain, non seulement il est très porté sur la chose, toujours prêt à sortir son machin quand il voit une fille, « c’est mon jeu préféré » déclare-t-il innocemment, mais il est aussi obsédé par le Vietnam et pouvoir tuer du « bridé » comme le fait certainement son frangin. Dans sa pauvre tête, violence et sexe se mélangent, cadavres de rats ou de lapins sont des jouets et la télévision toujours allumée l’alimente en fantasmes meurtriers. Fantasmes qui deviennent réalité quand il va tuer un premier homme, enclenchant un processus hors de son contrôle.
Je sais qu’à ce point du résumé, vous vous êtes fait une idée du bouquin, autant vous le dire immédiatement, vous êtes dans l’erreur, car ce roman est très drôle !!!! Humour noir, peut-être, mais humour. Car Lawrence Millman a trouvé une astuce géniale pour nous raconter son histoire, il a fait de Jesse un gars qui n’est pas antipathique. C’est un simplet qui ne sait pas ce qu’il fait réellement, il vit dans son monde à lui, fait d’innocence et de fantasmes ; ses réflexions les plus absurdes dans des situations dramatiques arrachent des sourires. Et quand il va fuir, avec Grace la fille du gardien de la décharge, une qui n’a pas inventé l’eau tiède non plus, pour aller au Vietnam (qu’ils imaginent tous deux près de la Californie !), lui pour zigouiller des jaunes et elle pour bronzer, le délire confine à l’apothéose autant qu’à l’apocalypse sanglante.
Le roman n’est pas bien long et avance à un bon rythme, le texte est fait de dialogues sans tirets, ponctué des réflexions saugrenues du héros qui désamorcent l’horreur des faits. Un bon point aussi pour la fin qui fait fort dans l’humour noir.
Ne ratez pas cette lecture qui nous sort de l’ordinaire.
« De retour dans sa chambre, il se cacha dans le placard et supplia le Tout-Puissant de le délivrer de la sorcière. Il Le supplia à genoux, là, dans cette petite pièce obscure, parmi les tas de vieilles chaussures de Jeff. Pitié, empêche-la de me dévorer, Seigneur… Mais même dans sa prière il pouvait encore l’entendre. Taper au carreau. Caqueter. L’appeler. Il éteignit Dieu. Puis il insulta la vieille femme : Va te faire foutre, vieille sorcière, d’une voix qui était plus celle d’un petit enfant, d’un bébé, que sa voix à lui. »
Lawrence Millman Jesse le héros Editions Sonatine – 206 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claro
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