John Williams : Stoner
02/09/2018
John Edward Williams (1922-1994), est un universitaire, poète et écrivain américain. Après des études supérieures à l'université de Denver, il poursuit ses études à l'université du Missouri et décroche un PhD en littérature anglaise en 1954. A partir de l'automne 1955, il enseigne la littérature et l'écriture créative à l'université de Denver. Son œuvre est courte, deux recueils de poèmes ainsi que quatre romans et en laisse un inachevé. Deux romans sont traduits en français, Butcher’s Crossing (1960) que j’ai déjà chroniqué et ce Stoner qui date de 1965.
Fils de paysans, William Stoner (1891-1956) intègre par un hasard inespéré l’université du Missouri à Columbia en 1910 pour y étudier l’agronomie. Délaissant cette voie suite à la découverte des textes d’écrivains, il décide de vouer sa vie à la littérature et devient professeur alors que la Première Guerre mondiale éclate…
La vie de Stoner se résume à l’Université, il y entrera comme étudiant, passera toute sa vie professionnelle comme professeur avant d’y mourir à l’heure de sa retraite. Entre temps il aura épousé Edith et eu une fille ; une relation particulièrement pénible avec cette femme un peu déséquilibrée qui lui rendra la vie difficile, réduisant Stoner à être un colocataire dans leur propre maison, le tenant à distance de leur enfant. Même à l’Université, il devra subir l’adversité de Lomax, le président du département littérature, avec qui il ne partage pas les mêmes conceptions de l’enseignement. Un temps il connaîtra des instants de bonheur, lors d’une courte liaison avec Katherine Driscoll, une jeune collègue.
Tout ce qui précède vous semble certainement assez banal et ce n’est pas complètement faux car Stoner n’est pas un héros de roman éblouissant : il ne s’engage pas dans l’armée pour partir faire la guerre en Europe comme plusieurs de ses amis, avec sa femme il ne cherche pas imposer ses vues, c’est d’ailleurs le trait principal de son caractère, ne pas faire de vagues. Mais tout comme le roseau, s’il plie il ne rompt pas (on le constatera face à Lomax). Stoner se regarde vivre (« Et une fois encore, il connut cette étrange impression d’absence à lui-même »), se consacrant entièrement à sa passion, la littérature, n’ayant comme arme à opposer au monde malveillant qui l’entoure que son indifférence « qui était devenue une manière de survivre. » Stoner, c’est la force tranquille qui suit son chemin, fort de son bon droit et n’ayant pour seule ambition que de vivre une vie ordinaire.
Ce roman s’avère finalement magnifique car plus on y entre, plus on lui trouve le poids des grands classiques de la littérature. L’écriture est remarquable, toute de délicatesse et de pudeur sans être mollassonne ou mièvre, sans effet de style notoire et le train est mené à un rythme parfait. Certains passages sont particulièrement touchants ou émouvants (sa liaison condamnée d’avance avec Katherine, ou les dernières heures de sa vie) et le ton général est à la mélancolie.
La question qu’on est en droit de se poser arrivé à la dernière ligne, William Stoner a-t-il eu une vie heureuse ? J’imagine que chacun en aura une version découlant de sa propre expérience de vie… Un roman à lire et même à relire, comme tous les classiques.
« Les premières années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale furent les plus excitantes sur le plan professionnel et furent aussi, d’une certaine façon, les plus heureuses de sa vie. (…) Ces étudiants, si singuliers de par leur maturité, étaient extrêmement sérieux et méprisaient tout ce qui ne les élevait pas intellectuellement. Ils se fichaient des modes, des ragots et des codes. Ils venaient étudier comme Stoner avait rêvé toute sa vie qu’un étudiant le fît. Ils se fichaient des notes, des cursus et des examens. Ils venaient en cours comme si le seul fait d’apprendre était la vie en soi et non pas un moyen de parvenir à des fins plus triviales. Il savait que plus jamais son rôle de passeur n’aurait la même valeur et s’y consacra absolument. (…) Il sacrifia à son métier toute l’énergie dont il fut encore capable en espérant que, ce faisant, sa présence ici-bas lui semblerait enfin un peu légitime… »
John Williams Stoner J’ai Lu - 378 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anna Gavalda
2 commentaires
J'ai énormément aimé ce roman qu'on peut qualifier de classique. Et je me suis posée la même question à la fin du livre.
Un excellent roman que j'incite tous à lire.... Et à relire mon billet je vois combien il manque du lyrisme nécessaire pour dire combien ce roman est puissant.
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