Graham Greene : Le Troisième homme
24/01/2019
Henry Graham Greene, né en 1904 dans le comté de Hertfordshire, en Angleterre, et mort en 1991 à Vevey, dans le canton de Vaud, en Suisse, est un écrivain et scénariste britannique. Il a écrit des romans, des nouvelles, des récits de voyages, des essais et des critiques. Dans son autobiographie, il donne de nombreux détails à propos de son enfance difficile, en particulier cet ennui qui commence à se manifester dès sa treizième année, cet état se transformant en dépression et tentatives de suicide. Après ses études, il se lança dans le journalisme. Il devint catholique en 1926 afin de se marier.
Cette édition contient deux textes : Le Troisième homme, une novella parue en 1950 et écrite expressément dans le but d’être adaptée pour le cinéma, ce sera le fameux film éponyme de Carol Reed avec Joseph Cotten et Orson Wells. L’autre texte est une courte nouvelle, Première désillusion.
Le Troisième homme se déroule à Vienne en 1949 alors occupée par les quatre puissances victorieuses de la Seconde guerre mondiale. Rollo Martins, un petit écrivain américain sans envergure y débarque sur l'invitation de son ami d’enfance Harry Lime. Quand il arrive, c’est pour découvrir que son ami vient d’être écrasé par une voiture. Curieux d'en savoir plus, Martins rencontre quelques amis de Lime, tous présentant des attitudes un peu étranges. Officiellement, deux d'entre eux auraient recueilli le corps de Lime juste après l'accident mais le concierge de l'immeuble où habitait Lime assure qu'un troisième homme se trouvait là. Quand le concierge est assassiné peu après et qu’un officier de la police militaire britannique, le major Calloway, déclare à Holly que ce qu'il a de mieux à faire est de quitter Vienne après lui avoir révélé que Lime était impliqué dans un réseau qui trafiquait de la pénicilline sur le marché noir (Graham Greene a été espion durant la Seconde Guerre mondiale et connaissait plusieurs affaires de trafic de pénicilline frelatée ce qui a inspiré son texte), Martins choisit de rester, résolu à tirer au clair cette affaire et à identifier ce troisième homme.
Un texte diablement envoûtant. Sous la plume de l’écrivain, Vienne offre des décors très froids (en plus c’est l’hiver !) et les personnages nous semblent très mystérieux, cachant par leurs non-dits les liens les reliant les uns aux autres. Quant à Rollo Martins, peu argenté et désemparé, dernière personne ayant vu Koch le concierge avant sa mort, il se retrouve dans le rôle d’un suspect potentiel, d’autant que le narrateur de cette intrigue est Calloway le flic de Scotland Yard. Pour tout dire, il y a par moments, quelque chose de kafkaïen dans l’ambiance avec ce Rollo qui ne comprend pas ce qui se passe, ces décors livides, la sensation d’être manipulé et par-dessus tout, cette déception d’abord refoulée puis qu’il faudra accepter, Lime son ami n’est donc pas celui qu’il croyait être ! J’ajouterai qu’à cette lecture viennent se greffer les images fortes et en Noir & Blanc du film, pourtant pas revu depuis bien longtemps, la Grande Roue du Prater, la poursuite dans les égouts de la ville…
La seconde nouvelle, Première désillusion, est d’un registre complètement différent, encore que. Dans un quartier huppé de Londres, les parents partis en voyage pour une quinzaine de jours, ont laissé leur jeune fils Philippe sous la garde des Baines, le couple d’employés de maison. Le gamin va découvrir le monde des adultes et le poids des secrets après une expérience tragique et traumatisante qui le poursuivra toute sa vie.
Deux textes finalement proches puisqu’il y est question de déception… Un sentiment par contre que ne connait pas le lecteur !
« - Je trouve, Herr Koch, que vous auriez dû témoigner. – Chacun veille sur sa propre sécurité, Herr Martins. Je ne suis pas le seul qui se soit abstenu. – Que voulez-vous dire ? – Trois hommes ont aidé à porter votre ami dans la maison. – Je sais, deux hommes et le chauffeur. – Non, le chauffeur est resté là où il était. Il était très ému le pauvre… - Trois hommes… On eût dit qu’en se promenant à tâtons sur le mur nu, ses doigts venaient de rencontrer brusquement, peut-être pas tout à fait une fissure, mais une rugosité que les constructeurs soigneux n’avaient pas aplanie. »
Graham Greene Le Troisième homme Le Livre de Poche – 256 pages –
Traduit de l’anglais par Marcelle Sibon
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