Peter Handke : Histoire d’enfant
10/06/2019
Peter Handke, né en 1942, est un écrivain, auteur dramatique, scénariste, réalisateur et traducteur autrichien. Histoire d'enfant, un roman, date de 1981.
Un roman, c’est une histoire et une écriture, ici pour ce qui est du scénario vous repasserez, car plus minimaliste ça n’existe pas, ou alors il faut beaucoup chercher. Le narrateur, vit séparé de sa femme et élève son enfant. Du marmot au gamin de dix ans, nous suivons ces deux-là entre Allemagne et France durant ce laps de temps où une personnalité se dessine.
S’il existe une catégorie « livres intellos » on l’y rangera directement. Intrigue inexistante, ce ne sont que banalités et petits faits de la vie ordinaire, déménagements, ville nouvelle, plus tard école etc. A deux doigts du coma anesthésique après quelques pages à peine, je me suis pourtant étonné de poursuivre ma lecture. Et c’est là un trait étrange ( ?) de ma personnalité, il m’arrive parfois de prendre goût à lire un livre (mais court) dont je ne comprends rien (ou pas grand-chose), juste pour le plaisir de la langue déployée par l’auteur.
L’écriture se complait dans l’hermétisme, on ne sait jamais vraiment très bien ce qui se passe et comme il ne se passe pas grand-chose, le lecteur baigne dans un flou artistique total. Les personnages ne sont pas nommés, le père c’est « l’homme », la mère « la femme » et le gosse « l’enfant », détail significatif ce fameux gamin s’avère être une fille mais on ne l’apprend que subrepticement dans le dernier tiers du roman. Ceci dit, ça n’apporte rien au lecteur sauf s’il sait que le roman fut écrit quand Peter Handke vivait seul à Salzbourg (1979-1988) avec sa fille aînée, enfant qui justement le sortait de cette solitude et l’obligeait à endosser une responsabilité, le thème de ce bouquin si je me fie à ce que j’en ai saisi.
L’homme qui jusque là consacrait sa vie à l’écriture, découvre les joies ( ?) de la paternité et les obligations/occupations qui en découlent. Une autre vie s’ouvre à lui. Lui et les autres, se regardent chacun d’un autre œil, l’enfant l’accapare, ils ne font plus qu’un. Intéressant mais guère développé on s’en doute dans un si court texte, l’enfant élevé dans la double langue allemand/français en tire des attitudes qui déroutent son père, « On pouvait voir que ce qu’on appelle le bilinguisme n’était pas seulement, comme on le disait, un trésor mais qu’il provoquait aussi à la longue un divorce douloureux. »
Le style est ampoulé mais en de rares occasions j’ai cru y déceler la petite musique proustienne (« Et quand enfin la voix d’un enfant du voisinage s’approchait de la maison muette ce bruit était souvent, pour les deux habitants, un soulagement (et même si cet enfant-là avait été l’occasion du chagrin de la veille) »).
Un livre trop particulier pour que je le recommande à quiconque, chacun fera comme il l’entend. Il est évident que ce n’est pas le genre de lecture que je préfère, pourtant j’ai été hypnotisé par le rythme des phrases et séduit par l’effet apaisant et lénifiant de cette prose étrange.
« Certes il se sentait responsable d’elle et pourtant, secrètement, il croyait toujours savoir qu’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre, que leur vie en commun était un mensonge, proprement une dérision, comparée aux rêves qu’il avait faits jadis de lui et d’une femme. Parfois même il maudissait en secret cette union comme l’erreur de sa vie. Mais c’est seulement avec l’enfant que cette désunion épisodique devint dissension définitive. De même qu’ils n’avaient jamais vraiment été mari et femme, ils ne furent pas non plus, dès le début, un couple de parents. »
Peter Handke Histoire d’enfant L’Imaginaire Gallimard – 103 pages –
Traduit de l’allemand (Autriche) par Georges-Arthur Goldschmidt
2 commentaires
Je ne sais pas si c'est voulu mais ce billet m'a fait éclater de rire. Voici ce que j'ai compris: on ne sait pas de quoi ça parle, on ne connaît pas mieux les personnages au début qu'à la fin, le style est ampoulé, on s'ennuie à la lecture mais pas trop longtemps car le livre est court, et ô merveille l'enfant se révèle être une enfant.
Quel génial commentaire ! Vous avez ri à me lire, j’ai éclaté de rire à vous lire. Le plus extraordinaire c’est que le bouquin n’a rien de drôle !
J’admets que mon billet n’est pas très clair car j’étais partagé entre deux sentiments : casser ce livre que j’ai trouvé ennuyeux mais en même temps l’encenser car fort bien écrit – dans un style qu’on peut ne pas aimer.
Donc, il s’agit d’un roman sur la paternité où les petits riens du quotidien font le corps du texte, ça ne déclenche pas d’enthousiasme particulier mais l’écriture sauve ( ?) le truc.
Voilà , voilà….
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