Keith McCafferty : Les Morts de Bear Creek
01/07/2019
Né en 1953, Keith McCafferty a grandi dans les Appalaches mais ce fut le projet de pêcher la truite qui l’emmena dans le Montana, dans les Rocheuses, où il devint le rédacteur du magazine de vie au grand air Field & Stream. Depuis à peine dix ans désormais, il se consacre à l’écriture et au roman, sept ou huit à ce jour mais deux seulement traduits chez nous, dont Les Morts de Bear Creek, le dernier qui vient de paraître.
Une petite ville du Montana dans Les Rocheuses. Quand le shérif Martha Ettinger se retrouve avec deux cadavres déterrés par un ours, elle fait appel à Sean Stranahan, enquêteur privé, pour lui donner un coup de main. Lequel est déjà en charge d’un job pour le Club des menteurs et monteurs de mouches de la Madison, retrouver une boite de mouches excessivement précieuses, de plusieurs milliers de dollars, qui leur a été volée. Deux affaires au milieu desquelles va se retrouver un élu du Congrès, d’où une certaine complexité quand un gros bonnet est sur la sellette…
L’éditeur présente ce livre comme proche de ceux de Craig Johnson et William Tapply et ce n’est pas faux, du premier on note une certaine similitude lointaine dans les personnages de flics (Un homme blanc, une femme et un Indien) et du second, le monde des pêcheurs à la mouche. Ceci dit, et là j’émets une hypothèse hardie car je n’ai lu que ce seul roman de Keith McCafferty, il me semble nettement meilleur que les deux autres écrivains ! Et toc ! Grosse prise de risque.
Ce second roman s’inscrit dans le début d’une série aux héros récurrents : Martha Ettinger est le shérif, Sean Stranahan ancien enquêteur pour un cabinet d’avocats converti en privé, peintre à ses heures et guide de pêche depuis qu’il a atterri dans le Montana et Harold Little Feather, adjoint et plus ou moins amant occasionnel de la patronne. Plus quelques autres rôles comme Katie Sparrow, la maître-chien ou Warren Jarrett, un inspecteur pragmatique. Une petite bande fort sympathique qui attire immédiatement toute l’empathie du lecteur. Car outre l’enquête, des affaires de cœur complexes (mais pas nunuches parce que rapidement évoquées) lient Martha et Harold, Sean et Martinique, une jeune étudiante sexy bossant dans un bar pour payer ses factures, mais aussi et c’est là que ça se compliquera certainement dans les épisodes à venir, Martha et Sean qui se tournent autour inconsciemment…
Comme d’habitude je ne vais pas m’attarder sur l’intrigue, vous la laissant découvrir, mais disons qu’elle est assez originale – ouvrant éventuellement une discussion pour ceux qui aiment disséquer : quand vous savez que votre vie est condamnée à court terme par la maladie, quelle attitude adopter ? Attendre ou hâter l’épilogue ?
Keith McCafferty aime les détails pointus, que ce soit pour le matériel de pêche, les armes à feu ou la dissection de cadavres, le lecteur est vite dépassé par son érudition ; ajoutons y des digressions à tout propos (« Sorenson s’interrompit. Où en étais-je ? J’ai perdu le fil. ») et une narration pas toujours fluide qui vous oblige à rester concentré sur ce roman grassouillet et dense, bref on n’a pas le temps de s’ennuyer même si techniquement parlant, l’intrigue avance à un rythme pépère.
Pour faire bonne mesure, l’auteur place une mince pincée de réflexion sociale : « - Vous savez ce qui est génial avec le Montana ? (…) C’est que des gens venus de tous les horizons s’y retrouvent. (…) Nous sommes au même niveau. Si tout le pays était comme ça, nous nous comprendrions et pourrions travailler à des solutions communes. »
Une double enquête policière, la nature sauvage et la pêche, un soupçon de romance mélancolique encore au stade de l’ébauche, des personnages aux liens complexes, le tout rédigé sur un ton proche de l’humour, en tout cas léger, tels sont les ingrédients de ce bon roman et qui laisse augurer (il faudra le vérifier avec le temps) de futures bonnes lectures en perspective.
« - Je vais passer plusieurs autres couches de vernis et elle sera prête la prochaine fois que vous viendrez. Je pourrais dire que c’est une façon de vous souvenir de moi, mais ça semble assez horrible, non ? Acceptez la mouche simplement comme le cadeau d’un vieil homme à un homme plus jeune, en lui souhaitant des lignes bien tendues et des femmes détendues. Je plaisante. Stranahan vit les lèvres de Sorenson trembler légèrement et il comprit à quel point ce devait être difficile d’afficher un air courageux alors que le sable s’écoulait dans le sablier. – Merci. Je la conserverai précieusement. Je peux vous demander quelle est votre rivière préférée ? Un jour, j’aimerais bien vous peindre dans un tableau. »
Keith McCafferty Les Morts de Bear Creek Gallmeister – 369 pages –
Traduit de l’américain par Janique Jouin-de Laurens
« - Un morceau en particulier ? – Pourquoi pas un petit Hank Williams ? I’m So Lonesome I Could Cry. C’est l’histoire de ma vie, songea Martha. »
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