Fernando Vallejo : La Vierge des Tueurs
02/09/2019
Fernando Vallejo Rendón, né à Medellín en 1942, est un écrivain et réalisateur d'origine colombienne, naturalisé mexicain en 2007. Il est auteur de romans autofictionnels et d'essais. La Vierge des tueurs, son roman le plus connu, publié en 1994, a été adapté au cinéma, sur un scénario de l’écrivain, par le réalisateur suisse Barbet Schroeder en 2000.
Un vieil écrivain homosexuel revient à Medellin, la ville de son enfance. Là, il tombe amoureux d'Alexis un jeune tueur à gage de seize ans. S’en suit un effroyable périple à travers une ville qu’il ne reconnait plus, ponctué de morts violentes autant que sans raison…
Chaud devant ! Ca tache ! Ce n’est pas un roman, c’est un brûlot, alors si vous êtes plutôt « romans tièdes », passez votre chemin. Il n’y a pas vraiment d’histoire dans ce bouquin, on suit le narrateur et son jeune amant dans leur parcours halluciné/hallucinant où l’on tue comme on respire, pour un rien et même moins encore. Un chauffeur de taxi qui fait brailler sa radio et agace le vieil homme, aussitôt Alexis le flingue et l’affaire est réglée ! Voilà pour la trame générale du livre et il en est ainsi jusqu’à la dernière page.
A cette violence physique outrée (même dans le cadre de Medellin qui a été le centre opérationnel du cartel mené par le baron de la drogue Pablo Escobar, des années 1970 au début des années 1990, faisant de cette ville le théâtre de très nombreux crimes de sang) s’ajoute la véhémence verbale de l’auteur. Amoureux de sa patrie, le retour au pays est un véritable crève-cœur pour le narrateur, transformant son amour en haine. L’écriture est rageuse, hargneuse. Dans ce style – mais pour des motifs différents – je ne vois que Céline ou Léon Bloy, pour vous donner une idée du genre d’écrivain qui nous a pondu ce roman.
Une rage qui flingue tout sur son passage : La religion (« Il n’y a pas plus grande sanie sur cette terre que la religion catholique »), Dieu qui voit tout et donc sait que sur les bancs du fond de la cathédrale « se fait le commerce des garçons et des travestis aussi bien que celui des armes et de la drogue », le football (pourtant une institution sur ce continent), la musique braillée par les radios. La politique et ses élus morflent gaillardement « La loi de la Colombie c’est l’impunité et notre premier délinquant impuni c’est le président qui à l’heure qu’il est doit être en train de faire la foire avec le fric de son pays et de sa fonction… ». Et pour que la barque soit bien remplie, sans que l’on sache vraiment si Vallejo le pense ou s’il manie l’humour noir, il développe une théorie sur les pauvres assez raide ! « Celui qui aide la pauvreté la perpétue »
Alors ? Oui, le bouquin arrache ; oui, il nous sort des sentiers battus et des mous de la plume ; oui, ce roman est mémorable. Néanmoins, bien que court, cette enfilade de cadavres et de vomissures finit aussi par lasser car devenant répétitif.
« Les faits sont les suivants : je suis rentré un soir fatigué, démoli, en déroute, sans la moindre putain d’envie de vivre. Je ne supporte pas une ville avec trente-cinq mille taxis faisant gueuler leur radio. Quoique j’aille à pied et que je ne les prenne pas, je sais qu’ils se trimballent avec leur vacarme, transmettant des informations sur des morts qui ne me sont rien, des matchs de foot dont je n’ai rien à foutre, et des déclarations de fonctionnaires qui tètent comme des veaux les mamelles publiques et me laissent exsangue moi, la Colombie, le pays éternel. « Moi je te les bute – me répète Alexis -, dis-moi lequel. » Je ne réponds jamais. Pour quoi faire ! »
Fernando Vallejo La Vierge des Tueurs Belfond – 189 pages –
Traduit de l’espagnol (Colombie) par Michel Bibard
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