Martin Solares : Quatorze crocs
03/04/2020
Martin Solares est né en 1970 à Tampico au Mexique. Parallèlement à son travail de recherche et d'écriture, il travaille depuis 1989 comme critique, professeur et éditeur de littérature. De 2000 à 2007, il a vécu à Paris où il a effectué un doctorat en littérature à la Sorbonne. Ses nouvelles et ses travaux critiques ont été publiés dans de nombreuses revues et anthologies au Mexique mais aussi en Angleterre, en France, aux Etats-Unis et en Espagne.
Quatorze crocs, son dernier roman, vient de paraître. Il s’agit d’un polar, mais d’un type très particulier puisqu’il évolue dans le genre fantastique (d’où le sous-titre du roman : Mémoires de l’agent Pierre Le Noir à propos des évènements surnaturels survenus à Paris en 1927). On peut aussi ajouter, sans grand risque de se tromper, que la fin laisse augurer de volumes à suivre et d’une série dont voici le premier tome.
Nous sommes donc à Paris en 1927 et le cadavre d’un homme vient d’être découvert dans une petite rue du Marais. Signe particulier, le cadavre porte au cou la marque de quatorze trous sans aucune trace de sang. Le jeune agent Pierre Le Noir, membre de la Brigade nocturne (« Les nouveaux policiers qui peuvent parler aux fantômes »), une division secrète de la Préfecture de police, est chargé de l’enquête. Une enquête déroutante - tant pour le policier que pour le lecteur - dans laquelle Le Noir aura bien besoin de l’aide de Mariska, une troublante et mystérieuse créature, très au fait des us, coutumes et dangers des mondes parallèles où nous allons pénétrer…
Pour que les choses soient bien claires, il ne s’agit pas d’un grand roman, tout superlatif serait déplacé, néanmoins je vous en recommande chaudement la lecture : parce qu’il est original, parce qu’il est particulièrement frais et très amusant par son ton léger. Une lecture rapide, sans prétentions, dont on retire beaucoup de plaisir. Pour autant, je n’attends pas les prochains épisodes avec impatience…
Le roman est construit sur deux axes. L’un concerne l’intrigue proprement dite avec ses fantômes, vampires, monstres, cimetière ouvrant vers un autre monde… Tandis que l’autre, le plus intéressant il va sans dire, nous plonge dans la sphère des dadaïstes (Tzara, Salvador Dalí, Man Ray…) et des surréalistes (Salvador Dalí, René Magritte, Pablo Picasso, Frida Kahlo…) avec un focus plus particulier sur Man Ray. Même le jeune Georges Simenon encore journaliste, est évoqué, et bien d’autres !
Chaque lecteur trouvera dans ce roman des allusions ou clins d’yeux au cinéma (Men In Black…) ou à la littérature (Harry Potter…), références toujours souriantes/légères, nous sommes loin de Bram Stoker ou Lovecraft… Le sujet et le ton du roman permettent de se passer de crédibilité, ce qui ôte une épine du pied à l’auteur et soulage le lecteur pointilleux.
Donc, je le répète, rien de faramineux ici, mais un excellent moment de lecture. Un bouquin que je verrais bien adapté au cinéma par Tim Burton.
« Mariska s’est mordu les lèvres. Soudain, tout a fait sens : « Le cimetière est tout près, sur le boulevard Raspail, avec à l’intérieur le bureau de l’immigration où je me suis rendu dans la matinée. La créature qui m’a attaqué a disparu non loin d’ici. Elle a sauté la barrière et s’est mise à courir dans cette direction : très exactement vers la rue Campagne-Première. La cachette de O’Riley n’est pas loin non plus. Les trois endroits sont très proches, autour de la rue d’Enfer. Qu’est-ce que tout cela signifie ? – Cela signifie que nous sommes mercredi et qu’il est quatre heures vingt passées : si Man Ray est encore chez lui à quatre heures et demie, nous ne le reverrons jamais. »
Martin Solares Quatorze crocs Bourgois – 186 pages –
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Daniel Horowitz
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