Dave Eggers : Le Capitaine et la Gloire
19/10/2020
Dave Eggers, né en 1970 à Boston (Massachusetts), est un écrivain et scénariste américain. Il est aussi fondateur de magazines littéraires, de la maison d’édition McSweeney's et de l'école 826 Valencia de San Francisco, un organisme sans but lucratif, qui promeut l'écriture auprès des jeunes et des enseignants. Le Capitaine et la Gloire, roman inédit, vient de paraître directement en poche.
L’habile et expérimenté capitaine de l’énorme navire de croisière la Gloire doit céder son poste. Pour lui succéder, les passagers choisissent une grande gueule, affublée d’une plume jaune dans les cheveux, sans qualification pour le job mais qui promet de tout changer…
Inutile de tourner autour du pot, Dave Eggers nous offre là un roman (ou plutôt une novella) satirique sur l’Amérique actuelle, celle qui a élu Donald Trump pour président. Dans ce livre, toute ressemblance avec des personnages existants n’est pas fortuite !
Le Capitaine donc, outre sa plume jaune est gentiment enrobé et ses premières décisions sont radicales, virer le personnel qui dirige le navire pour le remplacer par ses amis (les Mateurs, une bande de fieffés coquins) et tous les matins, sur le tableau effaceur où d’habitude on inscrit la météo du jour, il écrit des phrases sibyllines à l’orthographe douteuse. Ses partisans (les Malfaisants) sont aux anges devant tant de changements (« Il écrit comme je parle quand j’ai trop bu, dit un homme, et je trouve ça réconfortant. ») tandis que ses opposants les Gentils Mutins (baptisés ainsi « car ils étaient déterminés à ne pas s’avilir au niveau plus bas que terre du Capitaine ») restent impuissants, tétanisés devant tant d’âneries inédites.
Il n’est pas nécessaire de suivre de près la politique aux Etats-Unis pour lire cet ouvrage, tous les faits relatés et adaptés pour ce contexte maritime, sont connus de tous et ont fait l’objet d’articles dans nos journaux ou à la télévision. Tout le contraire du bouquin de Ian McEwan (Le Cafard) sur le Brexit de Boris Johnson… On retrouvera dans les acteurs de cette pantalonnade, la fille sexy du président devenue son bras droit (« Quand il pensait à elle, son esprit s’en allait miauler en des lieux que la morale réprouve »), un pirate notoire nommé le Blafard (sosie parfait de Vladimir Poutine) dont notre Capitaine admire « sa prestance quand il montait à cheval, sa virilité quand il était torse nu… », Barbe-de-Sang un autre pirate redouté lui aussi et le Très-Doux (peut être le leader Chinois).
Admiratif devant ces trois hommes à poigne qui lui font des mamours apparentes, il les accueille à son bord comme un cheval de Troie et c’en est fini de la Gloire… Dave Eggers, se voulant optimiste, trouve néanmoins un épilogue qui n’est pas sans ressembler à la naissance des Etats-Unis.
Un Martien qui lirait ce livre le trouverait complètement farfelu et idiot. Dans un sens il l’est effectivement, à ce détail près qu’il relate la réalité de ce qui se passe outre-Atlantique ! C’est très drôle – sans être très subtile j’en conviens – et le format très court compense très facilement cette faiblesse. A lire d’urgence au cas où nous sortirions de ce cauchemar en novembre… ?
« Les Gentils Mutins ne parvenaient pas à comprendre ce qui était arrivé à leurs compagnons de bord. Soit les Malfaisants – avec lesquels ils avaient partagé la Gloire en paix pendant des années jusqu’à ce qu’ils adoptent ce nouveau nom – avait toujours été secrètement assoiffés de sang et n’attendaient que l’occasion de regarder les autres mourir, soit quelque chose chez le Capitaine avait engendré une fièvre sanglante, avait réveillé une contagion d’infamie et de barbarie désinvolte en latence depuis longtemps. Les Gentils Mutins gardaient l’espoir, si mince soit-il, que c’était bel et bien une fièvre qui s’était emparée de leurs compagnons de voyage et que, comme toute fièvre, elle finirait par passer. »
Dave Eggers Le Capitaine et la Gloire Folio – 137 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Juliette Bourdin
Illustrations de Nathaniel Russel
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