Klaus Mann : Avant la vie
01/02/2021
Klaus Heinrich Thomas Mann, né en 1906 à Munich et mort en 1949 à Cannes, est un écrivain allemand, fils de l'écrivain Thomas Mann. Entré en littérature dans les premières années de la République de Weimar, il écrit La Danse pieuse, le premier roman allemand homosexuel. Il quitte l'Allemagne lors de l'arrivée au pouvoir des nazis en 1933 et son œuvre prend une orientation résolument engagée. Déchu de la nationalité allemande en 1935, il devient citoyen tchécoslovaque puis, installé aux Etats-Unis en 1938, il prend la nationalité américaine et s'engage dans l'armée. Victime de la drogue, dépressif, ne trouvant pas sa place dans l'Europe de l'après-guerre, il se suicide en avalant une forte dose de somnifères.
Avant la vie, récemment paru, est un recueil de huit nouvelles inédites de l’écrivain, publiées entre 1924 et 1932. Il s'agit d'œuvres de jeunesse écrites dans le chaos provoqué par la défaite de 1918 et l'instauration de la République de Weimar. Toutes ces nouvelles mettent en scènes des jeunes gens en mal de vivre, supportant difficilement leur présent et appréhendant le futur.
Sans développer, je peux néanmoins vous dire que vous croiserez : de jeunes étudiants désabusés quant à leur avenir dans la vie adulte ; une étudiante virée de son école, trop rebelle pour un directeur dépassé ; une fille d’aubergiste entrevoyant un futur avec un randonneur de passage et qui attendra un an en vain son retour ; un acteur débutant attiré par le mirage hollywoodien, un texte très moderne qui n’a pas pris une ride ; une jeune fille renfermée qui découvre et se jette dans la vie dépravée des intellectuels du Montparnasse des années 20’ à ses risques et périls…
La tonalité générale de tous ces textes est sombre, d’autant que les acteurs sont jeunes et devraient en théorie être remplis de joie et de projets alors qu’ils se préparent, avant la vie, à entrer dans l’âge adulte. Vous en déduirez facilement qu’on ne s’amuse guère durant cette lecture pas très drôle mais discrètement gay (« Il était si beau en s’approchant de nous que je dus fermer les yeux de douleur. »). Des héros solitaires à la recherche d’un sens à donner à leur existence, une génération à peine sortie d’une guerre, morose et inquiète, qui ne sait pourtant pas qu’un autre conflit couve sous la cendre…
Klaus Mann écrit – déjà – très bien, ce qui mérite que vous jetiez un œil favorable à ce petit livre. Quant à l’objet-livre, je ne peux m’empêcher de vous signaler qu’il est très beau, d’un petit format plaisant à tenir en main, le papier est de bonne qualité et la police élégante, quelques photos insérées dans l’ouvrage ajoutent un plus plein de charme.
« Elle décida d’en finir. Quand elle regardait en arrière, il lui semblait que tout était terminé pour elle, que rien de nouveau ne pouvait arriver. Son cœur était encore plus sclérosé que dans son appartement parisien, quand elle était assise devant son miroir et avait constaté combien son agitation était vaine et misérable. Qu’avait-elle attendu en Amérique ? C’est aussi ignoble que dans la vieille Europe, conclut-elle avec amertume, peut-être même plus. La vraie vie n’est pas plus ici que là-bas. Nous devons nous contenter de succédanés. Ma passion du travail était un mensonge, un ersatz, tout comme ma piété, tout comme ma vie intellectuelle, tout comme ma fière érotique. A notre époque minable, il semble qu’on ne puisse trouver rien d’autre. Je n’ai plus envie. Mon cœur est vide et désespéré. » [La Vie de Suzanne Corbière]
Klaus Mann Avant la vie Editions La Reine Blanche - 161 pages –
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