William T. Vollmann : Le Grand Partout
01/03/2021
William T. Vollmann, né en 1959 à Los Angeles en Californie, est un écrivain, journaliste et essayiste américain, connu pour ses romans fleuves s'appuyant sur de vastes enquêtes. Son œuvre, qui mêle fictions et essais, est marquée par son goût pour l'histoire et son obsession pour le thème de la prostitution. Il vit actuellement à Sacramento.
Le Grand Partout (2011) qui vient d’être réédité en poche, est un récit à portée sociologique sur le monde des hobos, ces vagabonds du rail dont nous ont régalés des écrivains comme Jack Kerouac ou Jack London, par exemple, mais ici, ce n’est pas romancé.
William T. Vollmann et son ami Steve Jones, ont sillonné les Etats-Unis dans tous les sens, dans des trains de marchandises, non par nécessité ou par économie, mais pour le plaisir, uniquement pour le plaisir et y retrouver le goût de la liberté. Qu’un train parte vers le sud ou vers le nord, qu’importe, du moment qu’un train partait quelque part, ce quelque part ou Grand Partout, le Shangri-la des hobos. Car l’écrivain est triste, il ne reconnait plus son pays, « je contemple cette Amérique toujours moins américaine qui est la mienne, et j’enrage. » Le conformisme, les mesures de sécurité renforcées dans tous les domaines, tout cela l’exaspère et pour combattre ce système, il ne lui resterait que « la resquille », ces trains de marchandise dans lesquels on monte en douce, pour aller ailleurs.
Certes, dans ces wagons on crève de chaud ou on grelotte, on doit se planquer pour ne pas être débusquer par les « bourrins », les agents du train, qui n’hésitent pas à vous tabasser ou vous obligent à sauter dans le vide quand le convoi roule… Mais ce sont aussi des rencontres avec d’improbables collègues, moins fortunés et qui en ont sacrément bavé durant toute leur vie. Vollmann les interroge avec une grande empathie, comprend leurs motivations, apprend de leurs expériences et leurs récits sont parfois très durs car dans le passé, les bourrins pouvaient être particulièrement ignobles. Des hommes toujours, car les rares femmes qui se mêlent à ces voyageurs, souffrent plus encore (« C’est le drame de Vénus : tout le monde veut d’elle, et notre déesse est donc devenue une proie »).
Le récit est émaillé d’extraits de textes, s’avérant des conseillers éclairés, de Kerouac, London, Hemingway, Thoreau etc. Une approche de ce monde fermé, assez intellectuelle et politique, exaltant les vertus de la liberté, une notion qui se perdrait pour l’auteur (« la non-liberté qui envahit l’Amérique »). Hobo vs Bourrin, Liberté vs Contraintes, à ces problématiques Vollmann s’interroge, où cours-je ? Dans quel Etat j’erre ? Peut-être n’existe-t-il pas « de Dernier Beau Coin du Pays ? », que seul le « je me tire » soit la réponse… ?
Un très bon livre, fort bien écrit avec des passages d’un grand lyrisme, encore meilleur quand je vous dirai qu’il contient aussi un gros cahier de photos faites par l’écrivain, pour voir les « gueules » d’Ira, Badger et autres figures singulières de ces voyages extraordinaires.
« Ma critique de la société américaine reste fondamentalement incohérente. Aurais-je vraiment préféré vivre à l’époque de mon grand-père, quand les Pinkertons cognaient sur la tête des Wobblies ? Ou à l’époque de mon père, quand Joe McCarthy pouvait briser n’importe qui en l’accusant d’être un rouge ? Tout ce que je sais, c’est que même si je suis plus libre que beaucoup de gens, je veux l’être davantage. Quelquefois je m’étonne franchement de cette aspiration à une existence meilleure. Qu’est-ce qu’il me faut ? »
William T. Vollmann Le Grand Partout Babel – 235 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clément Baude
7 commentaires
J'avoue l'avoir abandonné, malgré tout l'intérêt que je porte au sujet... je m'y suis ennuyée, pour tout dire, je crois que j'attendais quelque chose de plus aventureux, de moins redondant, et dans mon souvenir, cela tourne pas mal en rond autour des montées/descentes des wagons, et de la descriptions de leurs intérieurs (du moins pour la petite partie que j'ai lue)..
Mais je l'ai gardé, ne serait-ce que pour les photos (je ne sais pas si elles ont été reprises dans la version poche ?), que j'aime beaucoup.
Je veux bien admettre que ce n’est pas parfait. Effectivement, il y a ce que tu critiques, mais dans l’ensemble ça m’a passionné, ne serait-ce que par ce puissant souffle de liberté revendiquée par l’auteur. Les photos sont bien reprises dans la version poche et c’est tant mieux !
Ha j'étais attirée, Inganmic me douche. Mais j'ai lu un autre livre de lui, qui m'a beaucoup plu, alors...
Ingannmic n’a pas entièrement tort…. N’empêche que j’ai beaucoup aimé cet essai, bien écrit et plein de compassion pour les hobos interrogés par l’écrivain…
Tiens, je viens de voir qu'Arte passe ce soir l'adaptation ciné de "La fin d'une liaison".
Oui, j’ai vu ça ! Par curiosité j’ai regardé le film mais je l’ai trouvé moins intéressant que le roman de Greene car trop explicite. Si le bouquin n’est pas réellement formidable, au moins il y régnait une sorte de mystère et d’interrogation ce qui n’est pas le cas ici. Et puis, je n’aime pas l’actrice Julian Moore que je trouve antipathique…
J'ai arrêté en cours de route, j'ai du mal moi aussi avec la sécheresse de Julian Moore...
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