Marcel Theroux : Au Nord du monde
06/09/2021
Marcel Theroux, né en 1968 à Kampala en Ouganda, est un romancier de science-fiction et animateur de télévision britannique par ailleurs l’un des fils de Paul Theroux écrivain célèbre pour ses excellents récits de voyage. Au Nord du monde, roman datant de 2010, vient d’être réédité.
La planète est à l’agonie, le dérèglement climatique a poussé les populations à l’exode, certains comme la famille Quaker de Makepeace notre héroïne, ont fui Chicago pour s’établir comme colons autorisés par la Russie, en Sibérie. Quand débute le roman, Makepeace est la dernière survivante de la petite ville de colons, subsistant tant bien que mal. Née là, elle n’a pas connu le monde d’avant et celui d’aujourd’hui n’est que désolation où les survivants se méfient les uns des autres…
Roman de S.F. sous forme de western, dystopie, quelle que soit l’étiquette que vous lui collerez, la seule chose qui importe c’est que c’est une merveille de roman !
Je ne vais pas m’essayer à en résumer le contenu car il s’y passe trop de choses. Makepeace va quitter ses terres car depuis qu’un petit avion l’a survolée, elle devine qu’une ville en meilleure santé que la sienne existe là-bas. Elle part, dans la neige et le froid, et les aventures vont s’enchainer les unes après les autres : elle sera faite prisonnière d’esclavagistes, internée dans un camp où il faudra travailler dur, elle va en baver, être promue gardienne et envoyée en mission spéciale dans la Zone, une énorme ville abandonnée, contaminée par la radioactivité et l’anthrax, pour y récupérer certains objets. Ce sont vraiment très rapidement les grandes lignes narratives de l’intrigue.
Le roman est magnifique car superbement raconté par l’écrivain, en fait et on ne le saura qu’à la fin, le journal de notre héroïne. Une jeune femme quand débute le livre, aux allures de garçon et le visage salement amoché par un jet de soude, dotée de solides capacités de survie (même si le suicide va la tenter) et de psychologie. A chaque fois qu’elle tombe, elle se relève plus forte encore et même quand elle croisera le chemin de rares personnes pour qui elle aura une affection réelle mais qui décèderont, elle continuera à tracer son sillon. Sublime Makepeace.
Le récit avance allègrement, sans temps faibles, les évènements se succèdent, le danger est présent à chaque page, danger de l’instant dans un monde enseveli. Le lecteur ne peut qu’aimer Makepeace et s’inquiéter de l’issue de cette terrible épreuve. L’écriture est puissante, toujours pleine de sens et de profondeur incitant à la réflexion. La fin est très belle, porteuse d’une sorte d’espoir relatif dans ce monde en ruines…
Message écologique fort, dans un environnement digne de Tchernobyl, glaçant au propre comme au figuré. Un roman à lire absolument, si ce n’est déjà fait. Si vous hésitez, lisez les quelques pages en fin d’ouvrage où l’écrivain explique les sources de son inspiration, c’est édifiant.
« Le monde se réduit aux simples faits et plus les gens restent simples, mieux ils s’en sortent. Mon père parlait six langues mais il n’était pas fichu d’enfoncer un clou correctement. Il discutait de points de droit avec des présidents et des gouvernements, quand ces derniers existaient encore. Il avait fait partie de ceux qui avaient négocié la concession de la terre qui était devenue notre chez-nous. Il avait des kilomètres de mots pour habiller sa vision de la vie idéale, mais s’était montré incapable de brandir le poing quand il avait fallu la défendre. Il parlait constamment de faire le bien dans le monde, mais je crois que tout le bien qu’il a fait tiendrait sur un timbre-poste. On ne fait pas le bien avec des mots. »
Marcel Theroux Au Nord du monde Editions Zulma - 398 pages –
Traduit de l’anglais par Stéphane Roques
Postface de Haruki Murakami
4 commentaires
Oh oui, un bien beau roman!!!
Si d’autres comme moi, l’on raté lors de sa sortie, il n’est jamais trop tard pour lire un bon roman !
Lu ce printemps dans sa première édition en France, que possède encore la médiathèque ( alors que je me l’étais procuré en occasion poche, mais oublié à la mer…) un roman tenu jusqu’au bout, un personnage, Makepeace, inoubliable.
Du coup Et toujours les forêts de Sandrine Collette que j’ai lu quelque temps après a souffert de la comparaison !
Oui j’imagine très bien le grand écart entre ce roman et celui de Collette ! Un enchainement de lectures malheureux c’est certain…
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